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Critiques de Aline Recoura (14)
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Scènes d'école

J'ai lu, à voix haute (c'est bien plus saisissant) et à quatre yeux (avec ma fille de 10 ans) ces « quelques instants d'enfance, dans une école maternelle ». La magie a opéré sur toutes les deux. Moi, j'ai adoré cette « petite fille qui voit des tacos » quand sa maîtresse dessine des triangles (p. 10) et ce « ils » qui « grattent la terre/ pour trouver des pierres/ autour du seul arbre/de la cour/les enfants des tours » (p. 15) quand ils n'utilisent pas « le crayon[qui] frotte/ crécelle d'Afrique » (p. 16) ou qu'ils ne redemandent pas des mouchoirs (« mouchoirs dans le mains/mouchoirs dans les poches/mouchoirs aux quatre coins/des boîtes de mouchoirs s'il vous plaît/d'été en hiver/toujours un nez/pour pleurer », p. 21), tandis que ma fille, a crié youpi face à ces « petits dragons/[qui]crachent le brouillard/d'hiver/étonnés de leur pouvoir/ Je tente une explication scientifique/sourds/ils préfèrent êtres magiques » (p. 19).



Il y a, page 27, un poème qui a été aussi le préféré de ma Linda et qui exprime si bien pourquoi les enfants aiment (ou pas) l'école : « je me demande pourquoi/ne pose pas la question/doux les moutons/qu'est-ce qu'on fait/on doit s'asseoir/on doit se taire/on doit écouter/on doit chanter/on doit lever le doigt/on doit jouer/on doit sourire/ on doit sortir/et puis quoi encore ».



On est en 2020 et à cause des « cas COVID camouflés/ cas contacts ignorés » (p.37) nous sommes tous masqués, « nous ne connaissons/plus que des yeux/des voix » (p.62), c'est terrible et indicible, mais il y a eu « un prof décapité dans les Yvelines » (p. 69) et « la télé déborde », « l'homme/est tué en toute impunité et regardé/cruauté décomplexée » (p.76) et les mères qui sont aussi maîtresses, « finalement elles n'ont pas tellement vu leur mari/finalement les maris n'ont pas tellement vu leurs/enfants » (p. 78).



Sur la photo de classe, « dans les yeux de ta maîtresse/ le plaisir de partager ton pas léger/et l'espoir que ton goût pour l'école/survivra aux montagnes et ses sentiers »(p. 81) et pas loin de l'ATSEM, « Ouayss et Issa/deux S jumeaux/séparent leurs lettres/se déclinent au tableau/ouvrent leurs mots/aux autres égaux/même si ces autres/n'ont jamais vu une baleine » (p. 93).



C'est le tableau complet « des enfances émerveillées », de cette « petite enfance en réflexion/[qui] vit dans la déraison/paradoxes et contradictions »(p. 55) et qui va, superbement en Grande-Section (p. 65).



C'est coloré, c'est beau et tendre, sensible et lumineux, même si « les rêves de bons sentiments/seront poivrés de la vie même/ celle qui dès le liquide amniotique/connaît les chaos de l'univers/les bouleversements identitaires/et oscille entre dynamite et âme résistante » (p. 109)
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Banlieue ville

J'ai fait un beau voyage en « terre urbaine » avec ce livre d'Aline Recoura, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle a beaucoup de talent pour conter poétiquement ses histoires variées, toujours émouvantes « et l'avenir/qu'elle voudrait solaire » (p. 40) ou constater, entre autres signes de notre modernité, la « Mer près de Lampedusa larmes […] sa liberté éruptive/ sourde aux frontières » (p. 38).



J'ai retenu beaucoup de personnages bien croqués. Il y a par exemple « le danseur [qui] guide dans la nuit/ les naufragés de la Terre » (p. 36), la « Parisienne en trottinette » (p. 18) ou celui qui « n'a plus cessé de photographier » dans le poème « Le premier oeil » :



« Avec ses premières pièces accumulées

provenant de marchés où il vendait des fruits et légumes

il s'est offert un petit Leica d'occasion »

[…]

cohabitation de communautés

pulsions instinctives

combats de taureaux

rivalité et droiture

la vie Samurai

Ghost Dog et son élevage de pigeons

(p. 41- 43),



ou encore cette « jeune libraire » qui « lit des poèmes aux pigeons » (p. 216).



Dans la description lucide de la banlieue j'ai souri en lisant le vers suivant : « pas de télétravail pour les éponges les balais les détergents » (p. 17), ainsi que cette nouvelle définition du téléphone et de la télévision :



« Ici

on aime son téléphone

coeur du lien en dehors

du dedans ça bat tellement fort

pour des paysages ailleurs

on aime sa télévision

un présent actif qui lie au-delà des frontières

jusqu'aux souvenirs

jusqu'aux mémoires des ancêtres » (p. 16)



Le naturel avec lequel Aline Recoura passe des « Taches de chewing-gum » à la « Cacophonie des transports » ou à des poèmes d'amour (cf. « Rue de la Huchette ») est surprenant.



Elle exprime aussi, dans « Circulation » (p. 202) un beau credo artistique :



« jusqu'au bout des routes de nuit sans éclairage

tournant sombres et travaux

quand le poète écrit inutile

l'utile de chercher conquête monnaie

gratuit éphémère du poète

la nuit finit la route

destination moteur coupé »



Ce livre est également un bel objet, imprimé sur papier glacé avec une mise en page aérée, et des peintures de Marjan dont celle page 228, en début du « cycle » « S'envoler » m'a émue le plus. À noter également l'alléchante présentation, en quatrième de couverture, faite par Armel Louis.
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Cardio poèmes

Tout comme Louis Dubost, qui signe ici une superbe préface, je fais partie de ceux qui n'ont pas « d'aptitudes sportives » particulières. Je fais maximum deux heures de marche par semaine, mais j'ai néanmoins apprécié ces Cardio Poèmes, comme « une vraie méditation interne des oiseaux » (p. 9).



Il s'agit d'une toute petite plaquette qui tiendrait dans la poche du jeans, où « poésie sport et baskets/chante tout terrain/le souffle vif/la cardio bat la chamade/des mots ». Mon poème préféré est « La danse du stylo » (p.10) que j'ai recopié en citation.



Merci Aline, pour ce moment revigorant. À nous, à présent de courir aussi « à en perdre nos peines » (p. 11)
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Magasin de porcelaine

On pourrait dire, en opérant un raccourci langagier, qu'Aline recolle ici les morceaux cassés, ceux d'une enfance et d'un amour qui ne sont pas nécessairement siens. Ainsi, dans le poème « avant-propos » elle se dit « éléphante » portant « [son] poids de souvenirs » et « avançant dans un magasin de porcelaine ». Mais, ne confondons pas le « je » de la narration avec l'auteur.



« Se souvenir, mais ne pas se rappeler la nuit » (p. 21), car, comme « la docteur l'a conseillé, lâcher l'affaire » et le mieux à faire. Mais, dans cette première partie « Le tablier déchiré », l'amour transparaît avec force, la fêlure scandée étant un hommage certain.



La violence est suggérée avec une certaine pudeur, et progressivement au fil de la narration poétique, mais elle ne surgit que plus fort.



Les portraits qu'Aline tisse de page en page sont à charge, mais aussi à décharge d'une certaine manière. Comprendre, permettrait-il de ne plus « se rappeler la nuit » ?



Autre échappatoire, le livre qui permet à l'enfant de « Fuir la chambre/la main/les cris ou/

le silence » (p. 35), et cette « douleur froide qui dure » (p. 40).

L'expiation comme une question de « survie » (p. 83) !



J'aime énormément le style d'Aline qui, par des images épurées consigne des idées très fortes.



Qu'est-ce l'amour familial ?



« Un néant relationnel

orchestré

du vent dans les os

des taches dans le sang » (p. 69).



La troisième partie me semble plus lumineuse, éclairée par la lumière de l'amour que la petite fille de jadis, cette « orpheline de parents vivants » (p. 75), porte à son propre fils et à d'autres autour d'elle.



À noter que le dernier mot est « rire ». Rire à sa « course d'orientation », se rire de tout.
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Des jours et des bleus

Le recueil débute par la « perte des eaux » et se referme sur un poème intitulé « Au bébé qu'il était ». La boucle est bouclée sur ce cercle vertueux de la maternité, accompagné par des peintures expressionnistes d'Eva Dalmart (une vingtaine + la couverture).

Une belle réalisation matérielle puisque le papier y est glacé et la mise en page agrémentée de petites touches de couleurs vives au moyen de formes géométriques discrètes.

J'ai été éblouie par le tableau de la page 167 (« Gérald et les puits de pétrole », 2013 avec ce regard d'une incommensurable tristesse) et par la magnifique toile « Love » (p. 182) qui comporte un joli jeu de mots sur « unie vers ».



Quelle clarté émouvante dans ce cri d'amour protéiforme : « mère comment deviendrai-je maman » (p. 13) !

J'adore le rythme de staccato du slam d'Aline Recoura. Énumérations, répétitions, enchaînements alertes de phrases courtes, verbes à l'infinitif, parfois rimes internes (volontaires ou pas, qu'importe, elles sont là) de petits secrets de fabrication qu'elle maîtrise si bien.

Et puis un franc-parler une parole libérée sur la maternité de nos jours : père débordé qui peine à rester, allaitement, sexualité, vieillissement (vie rallongée pas toujours par le bien-être), contes de fées « renversés », adolescence et son lot de liberté recherchée, internet et ses déboires.

J'arrête là l'invitation à lire ce « Des jours et des bleus » en confirmant que cela se lit comme un récit dont le fil est si rouge, rouge sang mais sans fioriture aucune. Et puis j'oubliais de vous dire Aline Recoura s'est nourrie visiblement de grandes lectures (y compris Fifi Brindacier) à qui elle n'oublie pas de rendre subtilement mais parfois ouvertement hommage de temps à autre (L'Homme qui rit de Victor Hugo, par exemple), car il est bon de « croire à la lumière dans les ténèbres » (p. 21).

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La cloche a sonné

À l’image de la quatrième de couverture qui est un extrait de l’avant-dernier poème, ce recueil, que j’ai beaucoup aimé, est un cri lucide de colère paradoxalement apaisée par une terrible envie de « renouveau ». J’ai comme l’impression que si la cloche a sonné, cette fois-ci elle n’annonce pas des vacances scolaires, mais plutôt un nouveau départ. La maîtresse aux mille mugs « Merci maîtresse » et au « sac tissu pour voyage/avec écrit Aline dessus » semble prendre son envol et s’éloigner des enfants qui (étaient ?) « sont le seul nid de rêverie/ Aux traits longilignes infinis/ qui s’offre à [son] quotidien ».

En fée de conte à la baguette magique de volonté de bien faire son travail elle a vaillamment lutté, mais la lucidité a touché son fond, « car avoir de l’acuité/être lucide/peut rendre fou », « c’est pour ça qu’elle décide de changer de métier ». L’éducation nationale, ce « train qui va dans le mur », ce « système [qui] est foireux » semble sonner les cloches de la maîtresse aimée des enfants qu’on préfère, parce qu’elle ne se glisse plus dans le moule, envoyer devant le « spécialiste de la santé mentale et spécialiste en expertise » : « il faut qu’il trouve que c’est [elle] la défaillante et pas le système éducation nationale » (page 46). J’ai relevé, ce vers très touchant « j’évoque des occupations poétiques qui le laissent totalement indifférent » à rapprocher de l’image de l’oisillon de la page 45, qui « peut/ouvrir ses ailes comme il veut ». Pour cette maîtresse d’école maternelle, « le seul logis est le poème » (page 4), car parmi les nombreux cadeaux reçus à la fin de l’année scolaire il y a aussi « un dictionnaire de rimes et un livre de poésie ». Il y a encore des parents qui comprennent que la poésie est vitale. La maîtresse s’interroge (elle est « trop question » dès la page 34), sans aucun signe d’interrogation, en silence, car « muselée », cris étouffés « jusqu’à quel âge on peut travailler/avec des tout-petits enfants ».

Les quelques illustrations originales de Ludo Godot, sont fort à propos, je trouve. Sombres comme le tableau dépeint par la slameuse de talent qui nous restitue vigoureusement et sans avoir sa langue dans la poche les « cris et kiffs d’une maîtresse d’école maternelle » (page 4).

Parmi les tranches de vie de ce quotidien professionnel, il y a des moments délicieux comme la visite du peintre Marjan en classe (page 39), la piscine qui « sort [les enfants] du quartier » (page 8), ou bien la « Sortie à la campagne » (page 14) quand « Le lapin tremble posé sur une caisse/des morveux passent lui faire une caresse ». J’ai ressenti beaucoup de tendresse, paradoxalement, dans ce « morveux » désignant « les enfants [qui] ont droit d’être un troupeau ».

Quand la cloche sonne uniquement les grands vacances, on est déjà dans le passé, quand « le lit douillet que personne veut quitter/les retards les pleurs tout/s’envole dans l’été et les grandes vacances » (page 29).

Je souhaite solidairement et de tout cœur à Aline que « le jour abreuve l’esprit/d’un fouet vital » encore pour longtemps et dans la même poésie qui libère.

Les enseignants on beau se mettre au numérique et regretter incidemment le papier, l’air qu’ils respirent est celui « étouffé d’un métier /un peu malade/un peu vieilli/que personne veut soigner » (page 25). J’ai bien peur, et je me permets de le dire en connaissance de cause, que ce ne soit pas le seul service public souffrant gravement de liberté. Celle-ci « se nourri[ssant]/de tas de pourquoi », elle est devenue incompatible avec un système qui souvent renie le bon sens.

Vive la force créative de la colère et vive la poésie d’Aline !
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Pichenette dans les mots

11 décembre, journée internationale de la montagne.

Elle est loin la montagne, mais elle se rappelle à moi, tantôt par le souvenir du livre de Nestor Urechia, Dans les Bucegi, que j’ai publié en 2017 après en avoir aligné la version originale en français sur la version roumaine, tantôt par de sublimes textes comme ceux d’Aline Recoura.

Pichenette dans les mots est un livre que je découvre, un peu chaque jour, et qui m’éblouit par la richesse des thèmes abordés et par son style. Mots qui font résolument mouche, mots qui me font vraiment voir « les jours sous un autre jour ».

En plus de ma citation du 17 novembre sur la montagne je rajoute ici la fin du poème intitulé précisément « Montagnes » (p. 117-118) : « Des montagnes de dossiers et / d’arrangements/ avant de pouvoir faire ce que je veux/ après les montagnes ». Je me retrouve dans cette image limpide. J’ai récemment changé de cap professionnel et je ressens une délivrance similaire.

Même s’il m’est difficile de choisir un poème à retenir avant tout, je garde une pensée émue pour « Libération » (p. 69) et je félicite l’équipe éditoriale pour le choix du format (10 x 20,5 cm).

C’est aussi une belle pichenette dans les maux qui panse bien des bobos. Lecture coup de cœur.

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Des jours et des bleus

Le livre raconte, à travers une sorte de journal de bord non daté d’une femme devenue mère, les paradoxes féminins parfaitement résumés par cette citation :



Y’a du sang

dans ma douceur

y’a des révoltes

Y’a du cœur

rouge vibrant

strié de noir

aux cauchemars récurrents

[…]

Y’a les déchirements

les hurlements

la douleur

l’impuissance

à accepter

la disparition

le désamour

Y’a tant de cris

dans ma douceur



(pp. 44-45)



Parfois de simples listes se métamorphosent en de vigoureux poèmes qui parlent, sur un ton critique et tendre à la fois de notre monde avec téléphones portables (écrans en général, cf. pp. 94-95, notamment), peu de nature en vue, des corps meurtris par un quotidien répétitif où « mettre un pied devant l’autre/ [n’est] pas toujours facile » (p. 63).



J’ai adoré, tout comme l’illustration page 85 (« Just Say It », 2015)
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Banlieue ville



"J'ai lu votre Banlieue Ville en quelques jours. Vous avez écrit un beau texte, plein de couleurs, de réalisme et de profondeur. Tout en vous lisant, j'ai déambulé avec vous au milieu de ces scènes urbaines, ferroviaires, humaines avec un réel plaisir - même si la mélancolie est implicite dans une grande partie de l'ouvrage, elle est belle chez vous. J'ai eu le sentiment de traverser plusieurs tableaux - tous touchants - installés depuis longtemps dans une pinacothèque amoureuse. Quelques chose comme ça. J'ai été sensible au sentiment de solitude qui est comme un fil rouge tout au long du recueil. Je me suis senti à la fois spectateur - un peu voyeur - et personnage observé par moi-même. C'est une drôle de sensation. Même si les tableaux sont totalement réalistes, comme je vous l'ai dit, ils en deviennent, grâce à votre regard ( style ) de poète, pittoresques et cela est rare, croyez-moi. Je me suis senti à la fois chez moi et dans un autre univers, et c'est en cela que votre recueil est réussi. Les peintures de Marjan sont remarquables de sensibilité et sont très bien choies. Belle collaboration entre vos mots et les dessins de l'artiste. Bravo à vous deux et longue vie à votre livre. " Thierry Radière



"

Poésie ethnographique à fleur de mots je vous conseille vivement la balade qu'Aline nous propose. Banlieue Ville vous emportera déportera dans des contrées bien connues mais revêtues de nouvelles saveurs à l'odeur parfois entêtante. Les mots piquent s'entrechoquent soubresautent et font mouche. Ici point de garniture poétique ni de superflu. Aline va à l essentiel et dit notre essentiel. Le cœur s'expose à nu, à vif en toute simplicité. Et avec les mots d'Aline nous vibrons en chœur, un peu plus d'humanité pour chacun.ne d'entre nous.

osez le risque achetez Banlieue Ville ! " Virginie Seba



" Votre recueil, chère Aline, est absolument magnifique... quel talent... j'adore vos textes, tellement touchants, pleins de vérité, de promenades malicieuses, d'humour, et je suis totalement extasiée devant les toiles de Marjan, ultra sensibles... tout prend aux tripes dans votre recueil... Je vais prendre le temps de tout lire avant d'écrire un petit article dans Les Villes en Voix. Votre fulgurance à tous les deux est incroyable..." Françoise Breton



" Tout d'abord merci infiniment pour ta poésie. J'ai relu et relu ton recueil Ce qu'il y a de merveilleux avec la poésie c'est sa capacité à nous faire tricoter plein d'images intérieures, différentes à chaque lecture! Au-delà de cela, je trouve que nous avons une sensibilité et des choix de vie proches, qui me rendent familière ton écriture. Les illustrations accompagnent particulièrement bien les textes, sont très poétiques elles aussi ( à la fois très ancrées dans le réel et décalées; j'aime beaucoup !)." BS



" C'est vraiment bien écrit et une belle coopération avec Marjan. Nous avons tant besoin de poésie, d'écriture, de peinture, de musique, de cinéma... Encore plus en ce moment. " MH



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Scènes d'école

Un régal de lecture que ces “scènes d’école” d’Aline RECOURA.

On est saisi par la justesse et la générosité de l’observation,

régalé par l’humour, bouleversé par l’empathie qui se dégage de ces portraits, individuels ou de groupes.

La langue, fluide, rythmée y trouve son compte.

L’intelligence de l’autre, percute, enveloppe, embrasse tout en laissant partir.

Bref un petit chef d’oeuvre qui nous ferait reprendre le chemin de l’école, jambes sautant, coeur chantant.

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Scènes d'école

Choses vues, choses vécues, le titre est explicite : nous voici plongés dans le quotidien d’une école maternelle en banlieue parisienne, grande section. Entrées, sorties, cour, classe, dortoir, cantine, enfants, parents, grands-parents, frères, sœurs, personnel enseignant, professeurs ou ATSEM (agent territorialisé d’école maternelle), c’est d’un univers complet dont il est question dans ces pages.



Chaque scène croque un moment, une situation, un fait, petits en soi mais grands par ce qu’ils donnent à voir de l’arrière-plan social et humain. C’est que l’école, ce lieu protégé, est un organisme relié à son quartier, à la ville, à la société, au monde tel qu’il est. Tout y entre de plain-pied ou par effraction, le travail, la pauvreté, le manque de repères, les familles séparées, le défaut de soin, l’habitat vétuste, la drogue, la violence, le terrorisme, sans oublier la pandémie… mais aussi les sourires, le plaisir d’apprendre, d’être ensemble, les petites attentions, gâteaux, objets faits main, cartes de remerciement, mots d’enfants, émotions, bons sentiments qui tiennent chaud au corps et à l’âme. Tout cohabite dans ce monde en réduction qu’est l’école, le laid, le beau, le lourd, le léger, les bobos, les petits bonheurs, les grandes douceurs, l’ennui, la joie, les pleurs, la solitude, les bagarres, l’entraide, les jolis gestes. En somme, une « vie à hauteur d’enfant », aussi diverse et mouvementée qu’un tambour de machine à laver.

« /…/

Ouverture de l’école

tous les cœurs sont déjà bien pleins

remplis de soucis bien plus tenaces

que le contenu de leur tube de colle

bien assis devant leur table

ils devront pour quelques heures

laisser au fond de leur gros cartable

les souvenirs du soir et du matin

pour certains c’est possible

pour d’autres moins. »



Malgré tout ce qu’ils charrient en eux du monde extérieur, les « enfants des tours » restent des enfants avec leurs jeux de rien, leurs babioles enfouies dans les poches, leurs désirs confus, leurs attentes, leurs remarques inattendues, « petits dragons magiques » qui s’étonnent de leur haleine dans le froid matinal, d’un « mouchoir en papier / blanc / givré » oublié sur le bitume. On suit leur apprentissage, chanter, danser, compter, modeler, semer, dessiner… tous uniques dans leur histoire, leur parcours, leur nom d’ici et d’ailleurs, unis dans un même lieu, une même activité, une même langue.

Couper les fruits

dire leurs noms

rêver en douce

d’un doux potager

pour y planter

toutes les graines

d’un alphabet de vie.



À ces scènes collectives et individuelles croquées sur le vif, s’ajoute une série de courts portraits très attachants : Imad, « fleur de lexique », Valida, fillette escargot « qui dort dans sa coquille », Yassine, « poisson rouge dans son bocal », Matala, « baoboab à palabres », Dounia, princesse des mille-et-une nuits au nez qui coule, Manelle à la « faim chagrine »… On les voit, on les sent, toutes et tous, habités de leur histoire et de leur devenir.

La maîtresse dans tout cela ? (Eh oui, 95 % de femmes dans le métier, jongleuses à plusieurs vies.) Elle est un repère, une présence qui rassure, qui aide aussi jusqu’à outrepasser parfois les limites de sa charge : « y’a des actes / on est obligé de les faire en cachette ». Comment ne pas vêtir un enfant démuni, comment ne pas lui donner les crayons de couleur dont il rêve ? Pourtant la vie la malmène elle aussi, parfois elle n’a plus envie de se lever, d’obéir mais elle y retourne, elle sait qu’on compte sur elle. Comme ses collègues, elle fait ce qu’elle peut sur le grand navire qui tangue, qu’elle essaie de maintenir à flots coûte que coûte. Tous sur le même bateau, dit-on. Heureusement la poésie sauve, qui, entre deux creux, donne à vivre les beautés essentielles :

Tout est grand

quand on est petit

même une coccinelle

qui se promène

le long de la fenêtre.



On l’aura compris, le regard est à la fois lucide et tendre, bienveillant dans son essence, même si « dans le ventre / la nausée du gâchis », tout finit par passer « jusqu’à la prochaine fuite ». Par chance, au-dessus des tours et de la cour de récré, « ça a des pieds les nuages ». Oui et même ils « prennent leur temps ». Confiance chevillée au corps. Simplicité, tendresse. Sens de ce qui compte. Mesure humaine.

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Pichenette dans les mots

Pichenette dans les mots

Aline Recoura



Elle écrit son quotidien mais pas exactement.

Elle écrit comment elle habite ce quotidien, elle se le prend, elle se le triture, elle se l'effleure.

Elle nous le rend dans un élan heureux, chargé, léger, mélancolique, aussi haut que les montagnes et aussi près qu'un abri bus pressé. Elle semble ne rien s'interdire.



Justesse des mots, entre ses mains.
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Des jours et des bleus

Des jours et des bleus, publié à La Lucarne des écrivains en décembre 2022, avec des peintures d’Eva Dalmat.

Quel thème ? Pourquoi une forme poétique ? Pour qui ? Pour quoi ? …

Il retrace la traversée d’une femme de tous les jours, occidentale, vivant en région parisienne, sur une quinzaine d’année : maternité, monoparentalité, solitude, rencontres, questionnements.

Doutes – Rêves

Un quotidien décortiqué (comme une petite crevette grise), sublimé, raconté et autopsié voir opéré avec l’œil d’une chirurgienne, permettre aux valves du cœur de continuer à fonctionner, aux poumons de continuer à respirer, à l’estomac de continuer à digérer, au sang de continuer à circuler…

Poèmes après poèmes (sans titre) c’est une histoire qui se tisse, une histoire d’aujourd’hui, elle n’est ni triste, ni joyeuse, elle est là, avec ses hauts et ses bas, dans chacun des gestes et des mots de cette femme de tous les jours qui se bat pour tenir dans les bouleversements sociétaux et toutes les contradictions et réflexions qu’ils impliquent.

Elle est libre. S’assume financièrement. Travaille. Séparée du père de son enfant. La première femme de sa famille ayant cette " vie là". Quinze années pour se questionner et continuer de le faire.

Elle n’a pas forcément choisi cette vie là. Au début elle était « comme toutes les femmes » bercée de romantisme, de visions idéales de la famille hétérosexuelle, et d’une vie motivée par l’amour pour un homme… Elle a choisi à chaque étape, avec douleur souvent et jamais la solution de facilité. Chaque circonstance a construit son indépendance…

La forme poétique rend la traversée fluide, la progression est un mélange, un compromis, entre la chronologie et le thème.

Histoire de lit emmène sur les rives des draps, des histoires d’amour accompagnées souvent de violence mais aussi les nuits partagées avec le bébé…

Vie à deux flotte sur le duo adulte-enfant et tous les bonheurs mais aussi moments de solitude face à un enfant qui grandit… à tous les parents-solo…

Cycle convoque la grand-mère maternelle, comme contre-point générationnel, avec tendresse et questionnement sur la filiation …

Unie vers vogue vers d’autres visions de la vie de cette femme et vers un autre fleuve, celui de l’estime de soi …

La poésie pour dire ce voyage comme liberté.





Des jours et des bleus

231 p

22,90 e

Aline Recoura

La Lucarne des écrivainss

lalucarnedesecrivains2@gmail.com
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La cloche a sonné

Aline Recoura tisse un récit, émaillé de tendresses, de quotidien revisité, d’illusions perdues et de sincérité à fleur de peau. Sous le prisme poétique, c’est autant de vague à l’âme que d’enthousiasmes spontanés qui ponctuent ses vers de petites piques et de grands élans vertueux. Une vieille dame est malade, très malade. Elle s’appelle éducation nationale. Comment naviguer dans ses rouages et ses travers, quand on a la vocation d’une maîtresse professeur des écoles en maternelle. Jusqu’où tenir et quand lâcher ? Le parcours est sensible et les illusions tenaces jusqu’à l’abandon.

« La cloche a sonné » de Aline Recoura chez délit buissonnier n.6
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