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Citation de Charybde2


Nous nous étions retrouvés à La Nouvelle-Orléans après que des années avaient passé sans que nous sachions rien l’un de l’autre. J’étais entré dans un magasin de Decatur Street, qu’une enseigne arrogante et trompeuse proclamait « Gourmet Boutique ». On y exposait une collection d’objets inutiles et stupides prétendument destinés à un bar ou à une cuisine, ainsi qu’un variété d’aliments et d’épices d’origines et de marques diverses qui ressemblaient douteusement, par leur emballage, à ceux que certaines boutiques de Londres, Paris ou New York vendent soi-disant en exclusivité. Je voulais acheter un peu de confiture de gingembre. C’est une de mes passions secrètes que je conserve toujours, même dans les pires moments de pénurie. Le prix indiqué sur le pot était à ce point élevé que je me suis dirigé vers la caisse pour m’assurer qu’il était correct. Wito était là, qui payait deux boîtes de thé Darjeeling, sa boisson favorite. Avant même de prononcer un mot, nous nous sommes regardés en souriant, avec la vieille complicité de ceux qui connaissent leurs faiblesses respectives et se surprennent en flagrant délit de les assouvir. Wito insista pour régler mon gingembre après une explication mielleuse du propriétaire de la boutique sur le prix excessif du produit. Il avait cet accent de Brooklyn qui indique à l’avance que l’on perdra la partie. Nous sommes sortis ensemble. Mon ami, après avoir exprimé les plus grands doutes sur l’authenticité du thé et du gingembre en question, m’invita à déjeuner. Un cuisinier jamaïcain était à son service, qui savait préparer un jambon aux prunes digne de tous les honneurs. Le bateau était ancré devant les quais de Bienville, juste en face de la boutique où nous nous étions rencontrés. C’était un cargo peint en un jaune rageur, comme je n’en avais vu que sur la gorge des toucans de Carare. Le pont de commandement et celui des cabines et des bureaux étaient d’un blanc qui depuis longtemps avait besoin d’un coup de badigeon. Le nom du bateau n’était pas en accord avec son modeste tonnage et son apparence plus modeste encore. Il s’appelait le Hansa Stern. Susana, la femme de mon ami, l’avait baptisé ainsi. Durant sa jeunesse elle avait vécu quelque temps à Hambourg et conservait pour les grandes villes de la Baltique une admiration qui les embellissait considérablement. Wito n’avait pas voulu changer le nom, par respect pour sa mémoire. Tout commentaire était vain, mais c’était bien là un de ses traits de caractère : une volonté professorale et très allemande de vouloir tout expliquer avec une précision inutile, comme si le reste des humains avait besoin d’un surcroît d’aide pour comprendre le monde.
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