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Citation de Charybde2


La maire d’Engean était une petite femme hâlée dont les rides creusaient sur ses joues de sombres sillons. Quand les cousines l’aperçurent, elle était postée au sommet du grand escalier descendant de la cathédrale à la rivière qui coulait au pied de la ville ; le monde la regardait. De là, elle orchestrait quelque chose, et les Engeannais attendaient en bas pour gravir les cent marches. Leur tour venu, ils les montaient, en avalant un pruneau sur chacune d’elles : ils embouchaient le fruit et mastiquaient sa chair ; ils maintenaient le noyau fermement coincé entre la langue et le palais, ils le léchaient avec soin, pour le nettoyer sans l’avaler, et le recracher propre au creux de leurs poings, comme un os bien rongé.
Les autochtones s’exécutaient sans rebuffade ; aucun faux pas ne gâtait la scène. Ils avalaient sans se presser ; puis, ainsi gavés, ils se vidaient. Ils expulsaient leur merde en redescendant l’escalier. Ils laissaient faire les corps ; leurs jambes fléchissaient, et leurs dos se voûtaient. Ils n’étaient plus que leurs corps – des silhouettes molles informes. Cuisses et pantalons souillés, ils rejoignaient la rivière pour s’y déverser tout l’après-midi. Ils n’avaient aucune inhibition, et pour passer inaperçue, Emmanuelle devait dissimuler son dégoût, et demeurer de marbre malgré l’odeur et le bruit. Dans son état, elle craignait l’effet de la purgation : elle avait peur de se vider complètement et qu’en voyant ce qui sortait ils ne devinent tous qui elle était. Elle serrait les fesses.
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