Amir D. Aczel

Le titre de ce livre pourrait faire croire à une aventure rocambolesque dont Descartes serait le héros fantaisiste. Mais non, il s'agit d'une biographie du célèbre philosophe français. Pourtant le titre se justifie par le fait que tous les écrits posthumes de Descartes ont failli disparaître; certains originaux sont perdus aujourd'hui mais, par chance, leur contenu est connu car le philosophe allemand Leibniz était venu à Paris pour en prendre la copie.

Descartes est considéré maintenant comme le principal fondateur de la philosophie moderne. Ses recherches ont abouti à des résultats très importants en mathématiques et aussi en physique. Comme le souligne l'auteur, il a uni la géométrie et l'algèbre en fondant la géométrie analytique (qui utilise les coordonnées dites "cartésiennes"); il s'est aussi intéressé à une partie des mathématiques qu'on nomme la topologie.

René Descartes n'est pas resté longtemps dans son terroir natal: il est parti à Paris, a séjourné dans divers pays, notamment en Allemagne pendant la Guerre de Trente Ans, s'est fixé très longuement dans les Provinces-Unies (Pays-Bas). Il est mort à 53 ans, en Suède où il avait été invité par la reine Christine.

Ce qui caractérise surtout Descartes, c'est son indépendance, sa discrétion, sa volonté d'avancer masqué, son refus de se mettre en danger par des publications trop audacieuses. En effet, l'Eglise était alors marquée par la scolastique et les théories anciennes du monde; elle n'hésitait pas à condamner les penseurs trop novateurs (voir l'affaire Galilée). Descartes adulte, catholique vivant dans des pays majoritairement protestants, s'est donc autocensuré plusieurs fois. Cependant, il a osé publier son "Discours de la méthode" qui l'a rendu célèbre et en même temps vulnérable (cf. la querelle d'Utrecht). Sa fin de vie a été assez difficile.

Indépendant, Descartes l'était. Cela ne l'empêchait pas de correspondre avec tous les penseurs et scientifiques réputés de son temps, notamment avec Marin Mersenne. L'auteur considère même des liens que Descartes aurait pu avoir avec les Rose-Croix. Ce XVIIème siècle fut une période extraordinaire où des intellectuels géniaux avaient des compétences à très large spectre et d'immenses possibilités pour s'extraire du carcan médiéval à leurs risques et périls.

Nous avons affaire ici à une biographie intéressante et sérieuse. Pourtant, une forme d'ésotérisme est présente dans ce livre. En particulier, si l'on en croit l'auteur, Descartes aurait utilisé dans son carnet secret un code assez subtil, basé sur les propriétés géométriques des « solides platoniciens » (réguliers) - code qu'aurait décrypté Leibniz après avoir copié les textes posthumes de Descartes. Billevesées ? Peut-être pas: paradoxalement, des recherches contemporaines sur le "rayonnement diffus du cosmos" pourraient remettre en selle certains des solides platoniciens...