Anatole Lécuyer

Avez-vous déjà rêvé de voler ? De voir à 360 degrés ? De posséder des membres supplémentaires ? Et bien, la réalité virtuelle peut répondre à vos attentes. Et attention, ça ne sera pas des membres au rabais, ou une simple illusion le temps d’un film : vous pourriez « réellement » ressentir toutes ces nouvelles sensations, sans que votre cerveau ne puisse faire la différence entre le nouveau corps virtuel et l’ancien.



C’est un voyage bien stupéfiant que nous propose l’auteur. Car on ne parle pas de science-fiction, ou de prospectives, mais d’expériences déjà réalisées en laboratoire selon les procédures conventionnelles (et je ne sais pas si l’auteur se rend compte à quel point les expériences qu’il décrit avec tant d’enthousiasme peuvent paraître flippantes à un néophyte).



On se penche ainsi sur l’extraordinaire travail d’organisation du cerveau : s’il reçoit des tonnes d’information des yeux, des oreilles, de la peau, etc. c’est lui qui est chargé de schématiser tout ce flux en un ensemble compact et cohérent, en faisant du tri et en déduisant les informations manquantes au besoin. Avec parfois des gros raccourcis, qui ne posaient pas de problèmes jusqu’à maintenant, mais qui peuvent être exploités par des scientifiques qui connaissent de plus en plus de choses. J’ai souvent mis en relation ce livre avec "L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau et autres récits cliniques" qui présentait, lui, des compétences « évidentes » du cerveau qui manquaient pourtant à certains malades (comme savoir où se trouvent ses pieds sans avoir besoin de les regarder).



Ce qui épate le plus, c’est la stupéfiante plasticité du cerveau : alors qu’il n’a connu que cinq doigts toute sa vie, il va être capable d’intégrer la présence d’un sixième en moins d’une heure, en devinant quels muscles activer pour le faire bouger. Alors qu’il n’a connu qu’une vue « de face », il peut avec quelques heures d’exercice se représenter un espace avec des gens qui viennent maintenant de derrière.



À l’inverse, on a parfois l’impression que le cerveau travaille avec deux bouts de ficelle : l’auteur donne l’exemple d’une conduite virtuelle avec un volant. Lors de la phase d’accélération, il suffit d’écarter légèrement le volant du conducteur pour simuler parfaitement le fait de s’écraser un peu dans son siège et la rendre plus crédible. Ce genre de choses paraît très facile à manipuler.



Le livre se parcourt à toute vitesse, tant on est emporté par l’enthousiasme de l’auteur. Ça n’empêche pas d’éprouver quelques craintes de temps en temps, à l’idée de ce qu’un esprit moins bienveillant pourrait imaginer en exploitant ces découvertes.