Chacun sait combien le sol bourguignon est riche en matériaux calcaires de diverses qualités, aussi voyons-nous dans toute cette province les habitations les plus modestes construites en maçonnerie, solidement exécutées et appareillées avec intelligence. Eu égard à ces habitudes locales, à la nature des matériaux qui s'y rencontrent , l'architecte de l'église d'Aillant, appelé à construire dans le département de l'Yonne, a été amené tout naturellement à adopter un système de construction qui répondît aux conditions dont il était entouré, et prit le parti de voûter l'édifice. Ce point de départ admis, il s'est appliqué à résoudre le problème par les moyens les plus économiques, tout en ne sacrifiant rien à l'apparence et recherchant dans la combinaison même du système, par suite dans les proportions, l'aspect monumental qu'il a su donner à son œuvre.
Les Égyptiens avaient à leur disposition la pierre et l'argile : les calcaires et le granit pour les temples et les tombeaux, la matière argileuse réservée aux habitations. Ces dernières offrent assurément un intérêt de curiosité, mais c'est dans la réalisation des temples qu'il faut chercher la méthode de composition qui a guidé ces premiers constructeurs, dont le sentiment artistique a atteint une si haute et si impressionnante puissance.
Parmi les emprunts que l'Architecture moderne fait de toutes parts aux œuvres du passé, elle puise, en apparence du moins, d'une façon toute particulière et presque absolue, en matière de constructions religieuses, ses expressions et ses formes dans l'art du moyen âge. Tout en déplorant le procédé éclectique dont use notre temps, et sans vouloir le préconiser en faveur de l'art gothique ou roman, il faut cependant reconnaître que son application s'explique et se justifie dans ce cas par l'analogie qui existe, en tant que dispositions générales, entre les églises du treizième siècle et celles que demandent les programmes modernes ; partant on ne peut nier l'opportunité des études, si utiles d'ailleurs à tant de titres, des édifices du moyen âge.
C'est donc sous l'empire de cette conviction que nous avons étudié et réuni les exemples les plus intéressants parmi les petits édifices de cette époque, et que nous en avons formé un Recueil destiné à les vulgariser, à en montrer l'esprit et à en faire ressortir le côté utile.
De l'exposé méthodique et comparatif que nous venons de faire, il résulte clairement que le passé a obéi, en architecture, à deux ordres d'idées absolument différents : l'un, dans l'antiquité et le moyen âge, a dirigé, développé la puissance créatrice de l'artiste, l'autre, à partir de la Renaissance, l'a réduit à imiter, à répéter les résultats obtenus précédemment. Aujourd'hui l'architecte est contraint de choisir entre ces deux voies ; celle qui doit le conduire au but que détermine l'esprit moderne, paraît tout indiquée, mais il doit, avant de s'y engager, pouvoir compter sur une éducation et un enseignement capables de le soutenir utilement, de lui fournir de véritables principes. En quoi consistent ceux-ci, où, et comment se manifestent-ils de façon à donner une direction permettant d'échapper au procédé commode d'imitation si fatal à l'architecture ?
Ce qu'il fout surtout envisager dans les œuvres du passé c'est, d'une part, l'organisme des éléments de structure qui détermine les dispositions générales et les proportions des édifices ; d'autre part, les formes de détails et de décoration. A ce propos j'observe que souvent on se sert indifféremment des adjectifs architectonique et architectural. Ces deux mots ont cependant une signification bien différente. L'œuvre est architectonique dans sa structure et elle ne devient architecturale que lorsqu'elle est complétée par les formes et la décoration.
L'architecte utilise, sans doute, tout ce que la science et l'industrie apportent de nouveau, mais il le fait après coup, sans en avoir tenu compte dans la conception première, dans l'étude des plans et des moyens de construction; tout alors s'exécute sans direction réelle, et sans unité de travail. Aussi l'architecture s'exerce-t-elle dans une incohérence inutilement coûteuse, sans profit pour l'art et sans aucun ordre.
Tant que les sociétés nouvelles furent dominées par la monarchie, cette façon de concevoir le rôle de l'architecture s'explique historiquement, mais le jour où la puissance démocratique s'affirma, notamment en France, à la suite de la Révolution, il est évident que l'art devait se mettre, petit à petit, au service de conditions et d'exigences nouvelles qu'il lui était impossible de satisfaire par la copie du passé.
La Renaissance et surtout les époques qui l'ont suivie ont pu donner aux oeuvres un caractère artistique ne reposant que sur l'imitation ou l'interprétation plus ou moins justifiée du passé, parce qu'elles ont fait bon marché de toutes les exigences qui sont capitales à l'heure présente.