LI – Labourant la terre, griffant les surfaces du ciel, mon sang, ma sueur, c'est la mer. Pauvre délire. Je tape l'univers de mes petites mains. Éruption volcanique. Tout le corps traversé par des forces profondes, des courants d'air le long des os, des soubresauts, je tremble secoué. De quelles profondeurs en moi viennent ces forces obscures, de quel centre ? Des mondes sont là-dedans au travail, des univers, des galaxies en gestation. Flux, mouvements, petites bêtes qui remontent à fleur de peau. Je porte en moi un étrange voyage. Une ménagerie. Je porte ma propre fin au-dessus de ma tête, comme épée, comme parapluie.
Le temps saigne quelque part
dans cette énigme aux jambes
repliées coudes posés au sol
tête tournée vers l'extérieur
hors de l'axe du corps.
Jusqu'au siècle dernier
il arrivait parfois qu'un être humain
perdit son ombre
un quartier chaud est un quartier
que le froid gagne peu à peu
Cheval chassant les gros essaims de mouches de ses deux bras peints en violet
Fier étalon aux affections châtrées
Poisson vertical qui baratte l'espace
Hippocampe blessé
D'innombrables taureaux sont dans le marécage
A paître l'herbe de la boue
Le vrai pays c'est ce soleil
Implacable de ma jeunesse
Où la stridence des cigales
Scie les oreilles de l'esprit.
A travers les airs immobiles
Toute la matière en chaleur
Roulant de jour en jour
J’écoutais la radio
Une fille chantait
I am a cliché
I am a cliché
I am a cliché
Je suis un cliché
Elle cliché…. et moi cliché
Et tous clichés papillons épinglés
Des clichés comme des manteaux
LI - Chut ! Ne le dîtes à personne, ne faîtes surtout pas de bruit. Tirez les rideaux de la nuit.
FO - Ah oui si on pouvait les rideaux de la nuit, les tirer en plein jour et échapper au monde. Innombrables ceux qui souffrent seuls dans le monde. Seuls isolés reclus recrus dans leurs douleurs.