André Blum

Il ne connaît ses premiers succès qu'en 1726, avec douze planches pour le poème de Samuel Butler, Hudihras. Les deux dernières surtout, les "Croupions" brûlés à Templebar et la Rencontre de Hudibras et de Skimmington, dénotent une grande habileté à exprimer l'oeuvre et la vie des foules. De 1727 à 1731 il s'occupe encore à quelques gravures pour des livres, comme les Histoires de Lemuel Gulliver, de John Gulliver, des Humeurs d'Oxford, la Tragédie des tragédies, un Opéra écossais, mais son grand désir était d'acquérir une réputation dans la peinture à l'huile.

Mais en même temps que son art visait à une sorte de résurrection du passé, il reste très approprié à l'époque quattrocentiste. Mantegna demeure l'homme de son temps, peignant les personnages qui l'entouraient, vêtus à la mode du XVe siècle, comme dans les fresques de saint Christophe où il délaissa l'archaïsme des costumes pour ne demander conseil qu'à la vérité moderne.

Hogarth, qui a pris soin d'écrire sur sa vie de nombreuses notes où se révèle son caractère, a eu l'idée aussi de faire plusieurs fois son portrait. Ces documents manuscrits ou imprimés, joints aux tableaux où il a retracé son image, permettent de bien comprendre sa personnalité. Ia meilleure toile est celle dans laquelle il s'est représenté en buste, sa tête ronde coiffée d'une calotte de fourrure. I'œil bleu est vif et alerte. On dirait qu'il s'attache à saisir quelque particularité, à la contempler, à l'analyser avec clairvoyance. Son attitude est à la fois dégagée et un peu autoritaire. Sa bouche ne peut s'empêcher de réfréner un léger mouvement de moquerie, qui lui était familier. Leigh Hunt écrivait à propos de ce portrait que l'artiste avait « comme un air de jockey qui sait bien son affaire ». Près de lui se tient à droite son chien Trump. Son buste repose sur trois volumes : Milton, Shakespeare et Swift. A gauche près de sa palette, il a écrit ces mots qui seront développés dans l'Analyse de la Beauté et feront le sujet de ce livre : « line of beauty ».

Mantegna ne craignait pas d'importuner les Gonzague. 11 avait réussi à leur imposer toutes les bizarreries de sa nature indépendante et farouche. Ses lettres au marquis de Mantoue sont très curieuses parce qu'on y sent l'artiste conscient de son talent et qui sait que ses œuvres sont recherchées. On se rappelle que des travaux qui lui avaient été commandés l'empêchaient pendant plusieurs mois de venir à Mantoue où le marquis l'attendait avec tant d'impatience. Loin de s'irriter de ces retards, Louis lui témoignait des paroles douces et affectueuses. Il sut flatter sa vanité en lui accordant des armoiries et une devise que le peintre sollicitait. Il l'aida à construire une maison et s'intéressa aux détails de son existence. Mantegna n'hésitait pas à faire appel à lui, à propos de tous les menus incidents dans lesquels pouvait se manifester son tempérament facilement irritable.

Le talent de Mantegna fut déterminé par les effets de modelé de Donatello qui lui fit comprendre l'éloquence de la statuaire, il pensa, dit Vasari, que les muscles, les veines, les nerfs sont mieux indiqués sur le marbre que sur le vif. Tandis qu'autour de lui on se bornait à copier le style antique, Mantegna s'aperçut que le sentiment de l'antique, tel qu'il apparaissait dans les oeuvres de Donatello, consistait surtout dans l'étude de la nature. De là vint son désir de chercher à construire les formes vivantes en s'inspirant des bas-reliefs antiques. C'est ce qui explique que le contour de ses lignes présente une certaine dureté de modelé.

Parmi les travaux commandés à Squarcione auxquels collabora Mantegna, le plus considérable fut la décoration de l'église des Eremitani. Par un testament du 5 janvier 1443, Antonio Ovetari avait légué à Jacopo Leone une chapelle qu'il possédait dans l'église des frères Eremitani à Padoue et 700 ducats d'or pour qu'elle fût décorée « pulchre et condecenter » des histoires de la vie de saint Jacques et de saint Christophe. Il résulte d'un document de 1446 que la commande n'avait pas encore, à cette date, reçu un commencement d'exécution. Les fresques de la légende de saint Jacques sont presque terminées à la fin de 1452.

Au moment où Mantegna achevait le travail de décoration qui lui avait été commandé pour l'église San Zeno à Vérone, le marquis Louis de Gonzague lui écrivait, le 5 janvier 1457, pour lui demander de venir à Mantoue, aussitôt après avoir fini son œuvre. Le triptyque de Vérone exigea plus de temps que Mantegna ne croyait. Son départ dut être retardé. Le marquis de Mantoue attendit avec une indulgente patience son arrivée dans sa résidence, .mais il ne cessa de lui envoyer des lettres et des ambassadeurs pour le décider à se hâter.

Je ne sais si l'idée viendra jamais à un homme d'esprit, décrire l'histoire du peuple français par des caricatures, depuis qu'on fait des caricatures en France. Une pareille histoire ne serait ni moins intéressante, ni moins vraie que beaucoup de celles dont on nous a gratifiés depuis vingt ans. Il serait certainement fort curieux, ajoutait-il, de suivre sur ces ébauches grotesques, mais en général fidèles, les variations du caractère national, à différentes périodes.