Garde fidèlement le visage de l’aube
Pour la traversée des ténèbres le passeur cherchera
dans tes yeux
l’obole de lumière.
D’un coup d’épaule le vent renverse le jardin et bras levés les ombres
s’envolent.
Cris enfoncés dans l’herbe comme étoiles noyées.
Que la blancheur nous soit passage à l’heure où les ténèbres mangent les
yeux. Si froids les corps quand ils s’éloignent. Qui nous dira les mots qui
montent jusqu’au visage de l’amandier ?
La nuit gagne sur l’enclos de la lampe, une herbe noire recouvre l’étang.
On ne sait pas le bruit que font les paroles sous la neige. On peut mourir
d’oublier le souffle de la mer.
(Revue Casse n° 17)
Il avait si peur de la nuit
qu’il courut s’abriter
dans le verger
et la nuit le suivait.
Il sauta le ruisseau,
traversa la forêt
et la nuit le touchait.
Il se blottit dans le gîte d’un lièvre.
Tout près, tout près,
la nuit contre lui tremblait.
Il s’enferma dans le bleu d’une étoile,
dans le cri d’une effraie
et tendrement la nuit l’embrassait.
Alors, il ferma les yeux à demi
et la nuit fut en lui.
Hérisson, hérisson
petit frère,
celui qui jamais n'a connu
le velours de ton ventre
ne sait rien de l'univers.
J'ai rassemblé les paroles
Egarées dans le noir,
Appelé mes étoiles
Par leur nom de lumière,
Bercé doucement
Les images de l'eau
Et votre visage
ô mes amis !
Pour connaître
les paroles du vent,
le secret des visages,
le masque de la nuit,
la couleur du silence.
Pour reconnaître
la voix de l'arbre et de l'ami,
le cri du sel, la main de l'ombre,
tu n'as pas besoin de leçons.
Tu es ton seul maître.
Voilà, tu descends au jardin,
en ton jardin.
Dis,est-ce que je peux te suivre?
Je te promets de ne pas faire de bruit.
J'écoute ...
Tu parles à voix tienne.
Tes mots ouvrent l'étoile.
( "Descendre au jardin")
L'aveugle traversant le jardin
a chanté une chanson
triste et douce.
Le refrain, je m'en souviens,
disait ainsi :
"Si le malheur frappe à ta porte,
accueille-le comme un ami."
Pour entrer dans l'arche de Noé.
Pour entrer dans l'arche de Noé,
Toutes les bêtes ont montré patte blanche.
La brebis galeuse,
Le canard boiteux,
L'oie blanche et la poule mouillée,
Deux chiens de faïence,
Un tigre de papier,
L'anguille sous roche,
Le coq de clocher,
Le dindon de la farce,
La vache à lait,
Le chat échaudé,
La fine mouche, l'âne bâté,
Le bouc émissaire,
Et l'ours mal léché,
Le veau d'or et la vache espagnole, Le vieux loup de mer,
Et l'agneau de lait,
L'oiseau de malheur,
Un drôle d'oiseau,
Ma bête noire,
La bête à manger du foin,
La bête comme ses pieds,
Et un paysan du Danube
Monté sur ses grands chevaux, Suivant un mouton de Panurge.
l arrive qu’un jour,
à la croisée des chemins,
ils rencontrent un ange.
Ils se saluent sans rien dire,
en voisins.
Ceux qui ont reçu un don
l’exercent sans vanité.
Ils disent le temps, élisent les simples,
délivrent la mère, tarissent le lait,
perdent la source ou le serpent,
gardent l’équilibre du monde,
tenant tour à tour ombre et lumière
loin derrière l’églantier.