AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de enkidu_


Une histoire de l’anthropophagie en Occident ne peut négliger un fait avéré : au centre de l’activité de culte et du système symbolique et métaphorique des chrétiens du Moyen Âge, réside un corps à la fois divin et humain, glorieux, éternel, invincible et d’une douce fadeur : le corps miraculeux de Jésus qui, bien que rompu reste toujours intact ; (« l’hostie toujours se brise, mais le Christ ne se rompt pas, pas plus que les os du Christ »), un miracle quotidien auquel tout le monde peut accéder et dont tout le monde peut bénéficier.

L’Eglise et les fidèles se nourrissent de la substance d’un Dieu sucré et parfumé : ingérer le Très Haut, décrit par des formes verbales telles que manducare, pascere, pasci, sapere, fruor, edere, esurire et gustare. Les exégètes parlent le langage des odeurs et des saveurs, sublimant la sapidité du pain des anges, la nourriture de la manne, le mielleux de l’hostie, la nourriture angélique, la table du Seigneur et la satiété spirituelle : de la blancheur du corps du Christ émane une « douce saveur » destinée à charmer le palais toute la journée de son goût de miel. De sorte que même en temps de pénurie, le « pain » est omniprésent en signe de dévotion : « Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jean 6:35) avait assuré le Christ. Et effectivement, le sacrement représente une mystérieuse et invitante source de nourriture, au point que l’on parle çà et là d’hommes et de femmes ayant survécu en se nourrissant uniquement, des années durant, du « corps du Christ ».

Les embarrassantes conséquences du sacré dans la réalité sont analysées avec une subtile maîtrise : à en croire les calculs de l’archevêque Frédéric Visconti, le Christ demeure dans l’estomac environ une heure et demie, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’entremise du pain et du vin ait été consommée. Tout le processus de la digestion est minutieusement passé au crible : dans sa Somme théologique, saint Thomas d’Aquin lui-même ressent l’obligation de rassurer les fidèles quant aux reliefs de nourritures restés logés entre les dents qui, accidentellement avalés, n’empêchent pas de communier. (pp. 31-32)
Commenter  J’apprécie          10









{* *}