Plus tard sur la route, nous avons appris par les Zaïrois qui n'approuvaient pas cette chasse aux réfugiés rwandais, que le HCR s'était établi à Mbandaka, d'où était organisés des retours forcés de réfugiés rwandais en fuite. Pour les capturer, le HCR donnait une prime par homme aux volontaires.
Ce fut pour nous une expérience humaine frappante que ceux chez qui nous avions rencontré le plus d'humanité aient été des Pygmées, un Français inconnu et des prostituées rwandaises de Botombo.
Nous étions à Hundborg, Danemark, et nous connaissions déjà une personne: Jean-Pierre. C'était parfait. Nous l'attendrions le lendemain, car sinon- sinon nous serions absolument perdues dans ce petit village étranger, Hundborg, à des milliers et des milliers de kilomètres de notre pays, le Rwanda, qui n'était peut-être plus notre patrie.
Il n'y avait pas d'aide d'urgence. Au-dessus du gigantesque camp de Shanji passait souvent un avion frappé des lettres UN. Nous pensions donc que l'ONU était en train de nous localiser et que nous aurions bientôt de l'aide. Nous attendions, nous attendions, mais rien n'arrivait.
Les rumeurs couraient, et les Hutus comme les Tutsis paniquaient complètement.Tout le monde avait peur de tout le monde, et nous, les enfants, étions angoissés, car nous entendions tant de choses, et à présent tout cela se rapprochait de nous.
Nous avions le sentiment que le HCR gardait ses distances avec nous autres, les réfugiés de Tingi-Tingi, alors que les besoins étaient énormes, et nous l'interprétions comme un manque manifeste de soutien de l a communauté internationale, et surtout de l'ONU. La communauté internationale ne semblait pas connaître l'existence de plusieurs milliers de réfugiés au Zaïre! Etions-nous des sous-hommes?
Emma Bonino avait exigé une amélioration des conditions au Rwanda avant le retour des réfugiés hutus. Selon le HCR, en revanche, nous devions simplement être renvoyés, quelle que soit la façon dont nous serions traités au Rwanda. Étrange que le HCR ait eu cette conception-là. Nous nous interrogions entre nous, et je me demande encore aujourd'hui: pourquoi?
J'aimais particulièrement la biologie, c'était passionnant d'apprendre comment fonctionnait le corps, de se comprendre soi-même comme être biologique, comme femme. Je commençais à distinguer les mensonges des faits. Les mythes de la réalité. L'école m'apprenait à comprendre une partie de la réalité, la vraie réalité.
Cela nous impressionna beaucoup qu'ils utilisent les mêmes machettes pour tuer les vaches et les hommes.
Manger de nouveau-c'est peut-être difficile à comprendre, mais pour nous c'était un bouleversement!