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Citation de Partemps


Il me regardait avec le ciel dans les yeux... Alors il m'a dit: Il
faut tout préparer dans la chambre, tout ranger, le prêtre va
revenir avec les sacrements. Tu vas voir, on va apporter les
cierges et les dentelles, il faut mettre des linges blancs
partout... Eveillé, il achève sa vie dans une sorte de rêve
continuel: il dit à présent des choses bizarres, très doucement,
d'une voix qui m'enchanterait si elle ne me perçait le coeur. Ce
qu'il dit, ce sont des rêves,-pourtant ce n'est pas la même chose
du tout que quand il avait la fièvre. On dirait, et je crois,
qu'il le fait exprès (13) . Comme il murmurait ces choses-là, la
soeur m'a dit tout bas: «Il a donc encore perdu connaissance?»
Mais il a entendu et est devenu tout rouge; il n'a plus rien dit,
mais la soeur partie, il m'a dit: On me croit fou, et toi, le
crois-tu? Non, je ne le crois pas, c'est un être immatériel
presque et sa pensée s'échappe malgré lui. Quelquefois il demande
aux médecins si eux voient les choses extraordinaires qu'il
aperçoit et il leur parle et leur raconte avec douceur, en termes
que je ne saurais rendre, ses impressions: les médecins le
regardent dans les yeux, ces beaux yeux qui n'ont jamais été si
beaux et plus intelligents, et se disent entre eux: c'est
singulier. Il y a dans le cas d'Arthur quelque chose qu'ils ne
comprennent pas. Les médecins d'ailleurs ne viennent presque plus
parce qu'il pleure souvent en leur parlant, et cela les
bouleverse.-Il reconnaît tout le monde, moi il m'appelle parfois
Djami, mais je sais que c'est parce qu'il le veut, et que cela
rentre dans son rêve voulu ainsi; d'ailleurs il mêle tout et...
avec art. Nous sommes au Harrar, nous partons toujours pour Aden,
il faut chercher des chameaux, organiser la caravane; il marche
très facilement avec la nouvelle jambe articulée; nous faisons
quelques tours de promenade sur de beaux mulets richement
harnachés; puis il faut travailler, tenir les écritures, faire des
lettres. Vite, vite, on nous attend, fermons les valises et
partons. Pourquoi l'a-t-on laissé dormir? pourquoi ne l'aidè-je
pas à s'habiller? Que dira-t-on si nous n'arrivons pas
aujourd'hui? On ne le croira pas sur parole, on n'aura plus
confiance en lui! Et il se met à pleurer en regrettant ma
maladresse et ma négligence, car je suis toujours avec lui et
c'est moi qui suis chargée de faire tous les préparatifs...»

Je suis un de ceux qui l'ont cru sur parole, un de ceux qui ont eu
confiance en lui.

Juillet 1912.
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