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Citation de Bradomin


Pourtant, à mesure qu’il avançait, que les souvenirs surgissaient en rafales - des images, des voix, la voix de tous ses disparus -, il pensait aussi aux autres, les morts en sursis dont il partagerait bientôt le sort. Tout cela, se disait-il, pour quelle victoire ? Il n’y a pas de victoire. Qu’en ai-je à faire, d’ailleurs ? Rien qu’une énième guerre dont le sens nous échappe, loin qu’il est de nous, placé entre les mains de la postérité. Rien qu’une énième avancée dans l’aventure des techniques, une nouvelle formidable accélération de l’histoire, un moyen radical de faire changer les choses. Après, évidemment, plus rien ne serait comme avant. Mais de quelle platitude mensongère pouvait-il se prévaloir quand le drame de tous ces gosses, se faisait-il, c’est qu’ils vont au casse-pipe dans un mécanisme de régulation qui requiert leur peau. Ils les sentait marcher autour de lui, de ce pas aussi ferme et décidé, la tête pleine de chimères, et pensait au moment où certains pleureraient comme les enfants qu’ils sont et que lui, il ne pourrait pas leur expliquer que tout avait été prévu avant même leur naissance. « Moi, leur disait-il en imaginant la conversation qu’il n’avait pu avoir, en perdant la vie, je la gagne ! Je la gagne, nom de D… ! » Si seulement, il avait pu leur faire savoir qu’ils pourraient s’abriter derrière lui, qu’il leur offrirait son corps en guise de bouclier, que lui, il était vraiment venu pour cela, pour se laver de tout un tas de vieilles dettes, et d’une obligation aussi, peut-être, à l’égard de celui par qui il avait vu le jour, parce que plus rien, dans ce monde borné de la jouissance, ce cénacle de géants furieux, d’aigles et de poissons voraces, rien n’avait de sens et que, même ceux qui en profitaient, ceux qui n’y croyaient pas, eh bien…. « Moi, les gars, je ne vais pas vous dire que ça sert à quelque chose, non, je ne vais pas vous raconter ça. Ni vous chanter : que sont les guerres devenues ? Parce que son temps, on est bien obligé de se le coltiner. Alors, cherchez en vous, les mômes ! Appelez-ça devoir si ça vous va. Oui, devoir, c’est ce que l’on doit ! Moi, en perdant la vie, je la gagne. Je gagne une terre pour mes os, une terre, c’est ce qu’on appelle… »
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