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Citation de Charybde2


Le portier en livrée s’efface et Henri Davodeau pénètre dans l’immense hall. « Il vous attend à l’étage, monsieur. Sur la terrasse. »
Le chef de cabinet de la ministre du Commerce extérieur songe que si l’homme d’affaires préfère le voir sur la terrasse au mois de novembre, c’est que la conversation doit se tenir à l’abri des oreilles indiscrètes. Son cœur s’emballe légèrement. Il a toujours eu un certain flair pour les bons coups.
L’Olympe Club. Meubles d’époque, vases garnis de roses en nombre impair. Les chaussures à empeigne surélevée du haut fonctionnaire claquent sur le parquet ciré. Des adhérents en costume noir avec filet gris le saluent. Henri porte le même complet qu’eux, la même cravate rouge cardinal ornée de petits losanges tilleul, très à la mode en 1983, la même chemise blanche, les mêmes boutons de manchette. Ils ne se connaissent pas, mais sa tenue atteste qu’ils appartiennent à une caste identique.
Il gravit les escaliers en marbre. D’autres adhérents, d’autres costumes, d’autres cravates. Tous mâles, tous blancs.
Il tourne à gauche. Devant lui s’étire un long couloir bordé de hautes fenêtres, style Renaissance italienne, derrière lesquelles on distingue des buildings disproportionnés. Le perpétuel tohu-bohu du centre-ville augmente à mesure qu’il approche de la terrasse. Rugissement des moteurs, coups de klaxon, cris et bourgeonnements d’accélérations. Les véhicules foncent, s’arrêtent, repartent. Cette clameur est celle de la frénésie, du fric, de la vitalité retrouvée. Dire que quatre ans auparavant, le pays était à genoux. Reagan a su redresser la nation. Certes au prix de quelques sacrifices douloureux, mais tout de même, quelle poigne, quel élan ! Si seulement la France n’était pas aussi timorée… Le tournant de la rigueur initié par Delors l’année précédente avait provoqué des cris d’orfraie. Haro sur le gouvernement. Mitterrand n’en demandait pas tant. Il s’agissait de faire comprendre à la population que le programme commun avait vécu et que l’État providence ne résisterait ni aux attaques contre le franc, ni aux augmentations du prix du baril.
John Solaström, la soixantaine, chevelure blanche abondante, se tient de dos, un verre à la main. Il paraît contempler Flower Street.
Dès qu’il entend les pas de Davodeau, il se retourne, sourire aux lèvres. Dents blanches, main tendue.
« Monsieur le chef de cabinet, enchanté de faire votre connaissance. Rochette m’a dit le plus grand bien de vous. »
Charles Rochette et Henri Davodeau se sont rencontrés à l’adolescence. De Gaulle a utilisé les talents de Rochette, descendant direct de La Fayette, en le nommant ministre du Commerce extérieur sous Pompidou II. Juste avant Noël, l’ancien ministre a intercepté Davodeau entre deux portes. « Contacte Solaström. Voici son téléphone à Los Angeles. Ça a l’air important. » Il n’en avait pas dit plus.
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