Les constellations de mon cur - Antoine Ligonnet [critique littéraire]
La caresse de ses lèvres me donne l’impression d’être dans un rêve. Cette situation est si, érotique, et si flippante ! Je dois tout arrêter ou me laisser prendre au jeu ?
Je venais de terminer un roman d’amour, et j’étais tellement ému par la romance entre les deux personnages principaux ainsi que par leur liberté d’aimer et de pouvoir être eux-mêmes que je leur ai avoué. Ils m’ont confié que cela ne servait à rien de se mettre dans un tel état, et surtout que cela ne changeait rien. En revanche, ma grand-mère, la mère de ma mère, ne l’a pas du tout accepté. Elle a mis cartes sur table : si mes parents m’acceptaient, elle coupait les liens avec nous trois. Chose faite, cela fait maintenant trois ans que nous n’avons plus de nouvelles de sa part. Ma mère a essayé de la raisonner en vain.
Je reste devant mon écran, perturbé, partagé entre bonheur et malheur. C’est la première fois que je ressens ce genre de sensations et qu’on me dit des choses aussi belles. Pourquoi ça m’arrive à moi ? Il faut toujours qu’il m’arrive des situations improbables. C’est absurde. C’est plaisant, palpitant, et si frustrant ! Non, il ne peut pas gâcher tout ça à cause d’une pression extérieure. Et puis, je suis si naïf. Pourquoi je me laisse prendre à son jeu ? Qui me dit qu’il ne se fout pas de moi ?
Je décide de lui rendre tant bien que mal son baiser, après avoir trouvé sa bouche avec mes mains. C’est le premier que j’offre à quelqu’un. C’est une sensation exceptionnelle. Mon âme voudrait s’échapper de mon corps tellement elle se trouve en paix. Je me sens pousser des ailes. Je me sens léger… Si léger !Mais me rendant rapidement compte de l’absurdité de la situation, je le pousse brusquement et tâtonne dans le noir les portes des toilettes jusqu’à en trouver une et m’y enfermer.
Du haut de ses seize ans et de ses longs cheveux lisses noirs, elle lance des rumeurs à tout va, raconte des potins et s’immisce dans les histoires des lycéens. Elle est métisse, et son regard vert hautain explique entièrement son statut de connasse, ce qui la rend encore plus détestable. Les gens ne l’aiment pas, mais la redoutent, car elle est capable de tout pour détruire une personne. Imaginez la réputation d’un duo inséparable avec un gay et une connasse.
Malgré l’absence de vision, la présence de cet inconnu m’apaise. Je peux sentir son odeur, cette odeur si rassurante. Je sens son visage s’approcher délicatement du mien. Son haleine suave s’allie à mes lèvres, et l’individu m’offre mon premier baiser. C’est une sensation incroyable. D’habitude, je trouve les romans d’amour niais, mais ce que je ressens maintenant c’est exactement ce dont il s’agit. Une chaleur dans le bas du ventre.
C’est vrai, peu de gens nous apprécient. Contrairement à ma meilleure amie, moi, c’est sans raison particulière. Je suis un ado de seize ans, blanc de peau, aux cheveux châtain foncé et aux yeux marrons. Je ne suis ni efféminé ni viril, plutôt réservé. Rien de plus banal. Si je ne rencontre pas un franc succès auprès des gens de mon lycée, amicalement parlant, c’est parce que je n’en ai pas vraiment envie.
Il est roux, mat de peau et a des taches de rousseur. Ses yeux bleus magnifiques rendent son visage incroyablement hypnotisant. Je dois avouer qu’il a eu double peine ; être gay et roux dans cette société ne doit pas être facile. Pourtant, il n’a jamais eu de problème avec son homosexualité. Sa franchise et son caractère très prononcé empêchent toute remarque à son égard.
Avec ma meilleure amie Salomé, c’est une toute autre histoire. Nous passons notre temps à rigoler dans notre coin tout en nous moquant des gens. Nous sommes les introvertis du groupe et cela nous convient très bien. C’est dommage que nous ne soyons pas dans la même classe, elle étant en première L, et moi en première ES.
Tenter de résoudre une énigme qui n’en est certainement pas une, car c’est ma seule chance de me morfondre dans mon doux malheur, ou alors travailler mes maths ? Dans tous les cas, c’est missions impossibles.