Vous Fleuves et Ruisseaux, et vous, claires Fontaines,
De qui le glissant pas
Se roule, roule en bas,
Dites-moi la raison de vos tant longues peines ?
C’est pour montrer au doigt que ta vie en ce Monde
S’enfuit ainsi que l’onde,
Et ta félicité
Ne s’arrête ici-bas, où rien n’est arrêté.
Arrête, attends, ô Mondain, où cours-tu ?
Écoute, entends la voix de la Vertu.
Las ! il passe outre : il cours après le Monde
Et va courant, fuyant, ainsi que l’onde
D’un gros torrent, que l’orage des cieux,
Fondu en bas, a rendu orgueilleux.
Ma remontrance est un roc qu’il rencontre,
Passant dessus, murmurant à l’encontre.
Quand on arrêtera la course coutumière
Du grand Courrier des cieux qui porte la lumière,
Quand on arrêtera l’an qui roule toujours
Sur un char attelé de mois, d’heures, de jours,
Quand on arrêtera l’armée vagabonde
Qui va courant la nuit par le vide des cieux,
Décochant contre nous les longs traits de ses yeux,
Lors on arrêtera l’inconstance du Monde.