Anton Myrer

Ils avaient traversé les typhons, vu les atolls des tropiques, affronté les
cannibales et côtoyé les rajahs cousus d'or. Les Portugais... Le grand Magellan lui-même était portugais; c'étaient des pilotes portugais qui avaient suggéré à Christophe Colomb l'idée d'un passage à l'ouest... Pedro Cabrai avait déjà découvert le Brésil. Avait-il entendu parler du rocher de Dighton dans la rivière Taunton ? Avec sa croix de santa Isabella et une date en chiffres romains? Miguel Cortereal y était venu et en était reparti en 1502. Perdu en mer...

Il parlait. Un flot aisé dont il s'enivrait lui-même s'échappait de ses lèvres.C'était un feu d'artifice de paroles qui s'en allaient briller et mourir dans les étoiles. Un magicien l'habitait soudain et les mille nuances de la persuasion se déployaient dans une pluie de mots argentés... Jamais rien en ce monde ne lui résisterait.

La vie lui avait enseigné que bien des hommes n'avaient que de la bouillie dans la tête; un lampadaire tous les deux mètres ne suffirait pas à leur éclairer les chemins de la liberté. Il y aurait toujours des imbéciles pour se précipiter
dans la gueule du loup la tête la première...

Il n'en aimerait jamais une autre. Elle avait plongé dans sa vie à la manière de ces sirènes peintes sur les espaces blancs des vieilles cartes. El le l'avait
ensorcelé et entraîné dans un rêve, un royaume de corail. Il ne pourrait jamais
désirer une autre femme...

 

Quand il s'agît de rêves, il faut toucher le cœur des hommes, exciter leur imagination, réveiller leur désir de voir s'ouvrir les horizons. Il faut leur faire comprendre qu'ils n'ont qu'à saisir l'occasion qui se présente.

Les Américains ne se contenteront bientôt plus des miettes Ils sont fatigués de ne rien comprendre à ce qui leur arrive. Ils ont envie de se perfectionner et de mener leur barque eux-mêmes...

...l'on se construisait soi-même, à la force des poignets. Tout dépendait de la volonté.Il n'y avait ni limite ni barrière quand on s'attelait au travail et que l'on
s'y tenait.

Le monde vous appartenait ; ce n'était qu'une perle aux reflets-de nacre nichée dans le creux de la main. L'argent... qui vous faisait invulnérable ou plus fragile que le cristal.

Il n'avait jamais vu une fille aussi belle, ni en image ni même en rêve. Ses yeux immenses et très noirs étincelaient comme des pierres précieuses. .

Des horizons illimités s'ouvraient, les aventures les plus folles devenaient
possibles. On se sentait investi d'un pouvoir, celui de découvrir...