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Citation de Charybde2


Mimus, Polistorus, Azuarque et Périclès : pas de façon plus honnête d’entamer un livre (prédication, harangue ou, disons, élégie), par ces quatre noms disposés l’un à la suite de l’autre comme quartiers d’agneau le long d’une brochette. Tous ceux qui ont pu, ici ou là, se méfier d’Antonio de Guevara, l’accuser de mêler le vrai au faux, d’introduire des épouvantails dans les livres d’histoire et encore de composer de toutes pièces son répertoire auprès de quoi, ensuite, il prétend puiser ses sources – tous ceux-là, les accusateurs, devraient au moins admettre qu’au cœur de l’imposture l’évêque de Mondoñedo fait preuve de franchise. Il nous le dit, là, quatre fois de suite, à nous autres lecteurs méfiants, il nous dit sous quelles égides tout son Art de naviguer se situe : l’égide du mime grec, romain, espagnol, européen ou universel, autrement dit l’invention théâtrale (et voilà pour Mimus) ; l’égide de l’affabulation, de la volubilité, de la multiplication des petits pains des versions d’une même histoire (voilà pour Polistorus) ; l’égide de l’hallucination couleur azur (voilà pour Azuarque) ; enfin, l’égide de Périclès, supposé sage, garant de la belle parole, en vérité comédien lui aussi, bavard polymorphe, offrant aux auditeurs le bleu si séduisant de la rhétorique, et pour finir laissant la vérité péricliter dans le mensonge. Beaucoup de témoins vous le diront : Antonio est un fieffé raccommodeur : il coud la vérité au mensonge, Charles Quint aux Amazones, l’Espagne réelle à des îles impossibles où des lanternes poussent dans les arbres, mais il ne cache rien de sa façon d’écrire l’histoire. (Pierre Senges, Préface à L’art de naviguer)
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