Un jour, deux intermédiaires informèrent Soutine que deux paysages de sa période Céret étaient en vente à la galerie Percier. Je le rencontrai par hasard dans la rue, au moment où il s’apprêtait à les racheter. Il me prit à part, comme pour me recruter pour une mission d’espionnage.
- Tu vois cette galerie en face ? on m’a dit qu’ils liquidaient deux de mes tableaux. Blatas, rends-moi un service…
Il me regarda de haut en bas. Même lorsqu’il était sur son « trente et un », il préférait m’envoyer dans les galeries pour discuter à sa place. Il semblait rassuré par ce qu’il appelait mon physique « substantiel », et ma taille en particulier. C’était dans ces moments-là que son embarras, ou sa honte de ses origines, transparaissait le plus.
- Ils te croiront, tu es mieux habillé que moi, poursuivit-il. Entre et dis que maintenant, je peins des belles choses, mais qu’avant, c’était du barbouillage. Je veux récupérer ces deux paysages. On ne doit plus les voir ici.