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Citation de Charybde2


Dick renverse comme à son habitude les effets et les causes, les événements et leurs conséquences… Un texte de science-fiction décrit précisément une réalité à venir. En même temps, ce futur fait partie d’une fiction. Ce qui était réel devient fictif. Et ce qui était fictif devient réel. Si bien que la distinction entre réalité et fiction s’avère désormais impossible. N’est-ce qu’un jeu ? Ou qu’une façon d’annoncer un futur, le nôtre, d’où la réalité disparaîtra sous un déluge de fictions spectaculaires ? Le plumitif visionnaire comprend-il le sens de ses propres retournements d’intrigue ? Ce sont ses mots, tels ceux d’un Dieu omnipotent, qui créent la vérité de l’histoire, mais celle-ci est d’autant plus tarabiscotée qu’il s’y met lui-même en scène, tel un prophète religieux parlant de lui à la troisième personne… Sauf que ce prophète-là est un minable. C’est un prolétaire de l’écriture, un auteur avec un tout petit « a ». Il vole bas, à des lieues des cimes de « l’Auteur » romantique, à la Novalis ou à la Wagner, seul maître de son œuvre aux ambitions de totalité. Il en devient proche des millions de prétendus « pirates » qui samplent, téléchargent ou s’échangent en « pair à pair » des crottes et lingots de musique ou de cinéma. Dick a ceci de contemporain qu’il déshabille cette vieille lune du créateur absolu. Il descend l’auteur au niveau de l’internaute boutonneux, héritier du lecteur de pulps américains, ces magazines populaires où il a publié ses premiers textes au milieu des années 1950. Mais il y ajoute une notion qui, à l’inverse, risque de susciter moult maux de tête chez les zélateurs de la révolution Internet : c’est parce qu’il est plus bas que terre que le créateur au bas de l’échelle, ridicule et sans le sou, peut approcher l’universel. Le message involontaire de Dick, sur ce registre, rejoint les provocations du Merzbau de Kurt Schwitters et des suppôts de Dada il y a presque un siècle : seul l’art qui jamais ne prétend à la majuscule, imprégné des déchets du quotidien, conçu à partir de tickets usagés, de cheveux perdus ou encore de glapissements de caniches, a quelque chance de transcender son auteur. Et d’octroyer à sa création un zeste d’infini.
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