La petite tristesse de cinq heures du soir ». Le voici nommé ce moment qui assaille Héloïse tous les jours. Elle l’a lu dans un roman, elle ne sait plus lequel, mais tout de suite elle l’a reconnu. Quelqu’un a su formuler cet effondrement intérieur et quotidien où tout, même ce qu’il y a de plus beau au monde, se couvre d’une lumière blafarde et désolante. Alors, harassée par sa journée, vidée de ses forces, elle se laisse glisser dans le soir. Cette heure entre chien et loup où les Anglais boivent le thé. C’est dans sa voiture, dans sa cuisine, dans son bureau, que tout s’écroule. Elle se demande ce qu’elle va préparer à dîner. Le frigo est vide. Ses enfants l’appellent de toute part. La lumière est grise et poussiéreuse. Encore trop tôt pour ouvrir une bouteille et pourtant elle aimerait boire un verre là tout de suite, dissoudre cette angoisse latente dans du vin, rouge, blanc, dans un Spritz. N’importe quoi, qui lui fasse oublier que le jour s’efface. Elle ressent jusque dans les os la fatigue de la journée qui s’abat sur ses épaules. Il va falloir s’enfoncer dans la nuit, se dépouiller du jour, rassembler ce qui lui reste d’énergie, de vitalité, d’amour maternel, pour appréhender ce déclin, cette décadence.