Samira se massa les tempes. Plusieurs décennies de travail acharné et de nuits trop courtes avaient incrusté des cernes discrets, que le maquillage ne parvenait pas à dissimuler totalement. Mais à cinquante-trois ans, elle restait une femme toujours désirable et possédait la voix de celles qui connaissent parfaitement l’image qu’elles renvoient aux hommes. Samira n’avait rien à craindre de ce côté-là ; c’était davantage eux qui la redoutaient, ceux qui voulaient la séduire, en tout cas. Pourtant, dans ce début de pénombre, à la lumière fade des enseignes et des lampadaires de la capitale, sa beauté paraissait un peu fanée. Elle alluma une lampe en forme de pélican sur son bureau. — Et qu’as-tu trouvé de compliqué avec cette madame Leinac ? — Son accent. Je te jure, dans certains coins reculés de notre cher pays, le patois est définitivement l’étendard de l’antimondialisation