Le dandysme, disait Philippe Jullian, c'est la mystique du snobisme. "Un Brummell ou un Barbey d'Aurevilly sont aussi éloignés du snob ordinaire qu'un saint Jean de la Croix ou une Thérèse d'Avila d'une dévote de quartier."
Barbey d'Aurevilly est un dandy-ligueur, un fashionable en cotte de mailles, un Connétable des lettres qui n'a pas volé son surnom, un dandy de fer et d'acier égaré dans le siècle du roi-parapluie, de l'épargne et de la bonne franquette.
A une dame de ses amies qui s'effrayaient de ses audaces, il répondait : "Je suis un homme passionné, en état de lutte incessante contre la faiblesse de ma nature, et s'il faut tout vous dire, j'aime le danger, j'ai comme une folie de bravoure. Alors, l'idée de l'enfer m'attire ; je le défie, je le nargue, et c'est peut-être ce qui vous aura scandalisée dans mon catholicisme." Libertin, satanique, absolutiste, ultramontain, iconoclaste, voluptueux, ascétique, byronien, maistrien... si tant est qu'il faille jouer des étiquettes, d'Aurevilly fut bien tout cela.
Théophile Gautier :
"Qu'est-ce qu'une révolution ? Des gens qui se tirent des coups de fusil dans une rue : cela casse beaucoup de carreaux ; il n'y a guère que les vitriers qui y trouvent du profit. Le vent emporte la fumée ; ceux qui restent dessus mettent les autres dessous ; l'herbe vient là plus belle le printemps qui suit ; un héros fait pousser d'excellents petits pois."
Toute sa vie, d'Aurevilly portera en lui des contradictions écrasantes, toute sa vie, comme Baudelaire, il sentira ensemble dans son coeur l'horreur et l'extase d'exister. Toute sa vie, il s'avancera masqué. Par goût de l'effet, par humeur patricienne, par scepticisme, pour rester digne de son idéal.
Le style de Barbey d'Aurevilly est quelque chose qui m'a toujours étonné, disait Anatole France. Il est violent et il est délicat, il est brutal et il est exquis. C'est un mets d'enfer ; du moins il n'est pas fade.