Arthur Alloy

— Les pucerons, c'est lui-même qui les balance sur les champs depuis le début. (Une pause pour jouir de la stupéfaction. Pour une fois la police leur en bouche un coin !)
— T'es sûr, Ben, t'es bien sûr? (Eclair meurtrier dans l'œil.)
— Pour ce qui est d'être sûr, j'en suis sûr. On a retrouvé tout un élevage de larves dans des pots de confiture. Y en avait plein le hangar derrière sa bicoque.
— Dans des pots de confiture ?
— Il en avait au moins une centaine. Ça grouillait là-dedans, vous n'avez pas idée. Y avait des millions et des millions de bestioles, de quoi infester tout le comté.
La machination sautait aux yeux. On ne savait pas d'où il venait, ce fumier, mais il n'était pas près d'oublier le pays ! Un coup pareil, ça ne se pardonne pas.

A la lisière du champ il y avait une bande de terrain dégagée où se trouvait un camion jaune avec une citerne sur le plateau. L'avion se posait là de temps en temps pour refaire le plein de la cuve qui occupait tout le fuselage en avant du pilote. Jim Bonneval vit sur la jauge de cuve qu'il n'avait plus de quoi faire une passe et reprit de l'altitude pour virer et se poser. Gaz réduits, il fit un passage vent arrière le long de la lisière et vit la voiture de police. Il vit les deux flics et tout le groupe le regarder le nez en l'air. Ils avaient tellement l'allure de gens attendant quelque chose de féroce qu'il comprit immédiatement que la combine était cuite.

Ce jour-là il faisait beau sur tout le Middle West. Le ciel était d'un bleu léger et de jolis petits nuages isolés se baladaient tranquillement. Un avion agricole allait et venait depuis le début de l'après-midi au-dessus du grand champ de Ralph Nicholson. Son bruit croissait et décroissait régulièrement avec un changement de régime à chaque fois qu'il faisait demi-tour. Quand il revenait du côté sud du champ on le voyait bien monter en chandelle, s'arrêter presque, basculer sur l'aile et repartir en plongeant en sens inverse. Il épandait un produit blanc et laissait derrière lui une sorte d'énorme panache se déposant loin en arrière.

Tout le monde se retourna. C'était le shérif et son adjoint dans la voiture de patrouille. Le shérif Ben Wilson mit pied à terre en s'appuyant à la portière ouverte, rajusta son chapeau et son revolver puis avança vers eux.
— Salut, les gars !
— Salut, Ben, dirent les autres.
— C'est le Frenchie qu'est là-haut ?
— Ouais, qui veux-tu que ce soit ?
— Eh ben alors j' vais l'attendre, grogna-t-il d'un air mystérieux en plantant ses talons dans la poussière et ses gros pouces dans sa ceinture

Même sans rien y connaître, on avait l'impression
que le pilote était rudement bien à son affaire. Il
volait avec précision au ras des feuilles, suivait les
rangées sans dévier ni louvoyer d'un pouce ; la sauce
tombait pile. Un beau boulot. Et pourtant l'avion
n'avait rien de très moderne. C'était un biplan
fatigué qui montrait ses nervures sous la toile et dont
le moteur en étoile rugissait d'une manière assez
inquiétante

A la lisière du champ il y avait une bande de terrain dégagée où se trouvait un camion jaune avec une citerne sur le plateau. L'avion se posait là de temps en temps pour refaire le plein de la cuve qui occupait tout le fuselage en avant du pilote