Tu suis
du regard des fantômes proches
que ces jaugeurs cernent peu
à peu la fontaine leur échappe
du noir et blanc giclent les couleurs n’i
nondent ni ne tachent le passage en terre
tant écrire ne laisse aucune trace
tu n’es pas ça se voit comme ceux qui pro-
mènent leurs chiens entre les lignes
d’un pas pas pressé regardent le paysage au
musée
des nuages accumulés dans le marbre les
formes de Vénus nostalgiques de la jeunesse
qu’eurent les femmes
une fatigue sans nom les disperse dans les derniers
temps
peuplé de bancs
un roman ouvre
à la pause
s’oublie à l’envers
lisible par l’herbe
seule jaunira
faute de lumière (…)
Un couple d’accord c’est fragile, d’accord on peut réparer, sauf que parfois c’est cassé. Et quand c’est cassé c’est cassé. p. 53
Toujours les mêmes mots dits différemment
se recoupent hachés aux couteaux de la bouche
multitâche
parfois tu me parles de tes
lectres avec mélancolie
portent des robes trop amples
à manches ballons leurs
lèvres blanches te remuent
en vain tends-tu
des pièges au vide
sauf que les tranches
saignent sur tes mains les
mots pleurent à ta place
meurent encore une fois
Cette neige tient
extrait 3
machine arrière
en ce temps il faisait encore neige
si de loin douce
(sa ouate)
qu’on ne croyait pas à la fiction
du froid
le blanc paraissait suffisant
seul signe
de pureté
à perdre
l’écriture ne m’avait pas encore prise
(aussi loin que je remonte ce temps n’a
pas été)
TIC-TAC DE LA PLUIE…
Extrait 2
est-ce que tu t’épanouis ?
oui
poussant la porte de volière
s’a
perçoivent en levant
l’humble tête
branches battant
dans les combles
qu’un soleil lustre
malgré de grands
cumulus craie
des arbres se détachent
d’un gris esprit smoky
flirtant avec le noir
la nuit porte ses fruits
TIC-TAC DE LA PLUIE…
Extrait 1
tic-tac de la pluie
qu’une cime capte
rediffuse en boucle
quelqu’un s’ouvre
à sa fenêtre la part
de poésie existante
il fait vert
dans la magie de n’attendre
rien ignorant
à quel point
regarder grandit
ne cherchant plus l’enchant
ement des lignes
se passent
d’emphase inutile
d’en faire plus
pour détendre l’atmosphère
Les Longtemps
Extrait 5
autrefois Ils étaient autres
les Longtemps
qu’on croyait liés au ciel
Ils donnaient la grandeur
fléchaient le chemin d’être
au-dessus de la mort maintenant
Ils sont trop loin
p.13
Les Longtemps
Extrait 3
Ils ne s’imaginent pas
morts ne s’aperçoivent pas
de la mort
Ils vont s’éteindre
peut-être pourrais-je les fleurir
déposer des fleurs
avec la nuit peut
être
pourrait-on
trop tard
non
p.11
> Elle se repasse le film. Se fait son petit cinéma, ou plutôt c'est le film qui se remet à défiler tout le temps, elle aimerait mieux couper, ne rien revivre, c'est épuisant une mémoire.
Poe savait quelques formules pour endormir sa terreur de passer avant d'avoir pu
revenant dirait sa colère de n'exister que passager déporté
hors de lui avant d'avoir dit sa colère
Les Longtemps
Extrait 1
Ils n’ont pas bougé
on les trouvera toujours au bord
avec l’air
Ils n’ont pas besoin
debout
Ils l’étaient dès le début
sortent
respirer à l’envers
tendre vers la lu
mière dont se faire
verts
persistent
à la différence
ne voient pas
pourquoi Ils sont là
n’ont pas de raison
Ils ne rentrent pas
p.9
Cette neige tient
extrait 2
écoute
le silence
rafraîchir
les lignes
il faut ta cage
à l’écho
un silence tenu é
vite qu’on entasse
ce livre entré en légère
lévitation
dans la verticalité rat
ionnelle des rayons
ce n’est pas le silence
qui enterre
un regard converti
en grappes grammaticales
par mon canon à neige
…
Cette neige tient
extrait 1
neige je fais fondre le noir
entre mes doigts broient du blanc
entre nos mémoires nous revenant
des fantômes veillent par la fenêtre je
devine le jour venu
le vieux corps crayeux de la ville
couchée
voisine du vide l’inconnu ne me gêne
pas
j’aime comme il se mélange
familièrement à tout
des hommes dorment parmi nos
derniers squelettes d’arbres vais-je les
réveiller
n’ai-je fait que reculer la nuit à l’œil
nu ou la répandre plus avant
crissement de l’écrit
mes gestes d’alléger ploient sous la
charge du réel
...
empreinte…
empreinte
leurs ombres
aux arbres
désirant
faire don
de leur sève
à l’art
p.14
INCIPIT
Les escaliers sonnent sous ses talons, l’entrée sent les fleurs qui cuvent, le couloir est de marbre, elle court, prise de culpabilité. Les meubles sont là mais les autres ? La voix de David lui parvient à travers les portes fermées. Elle se rassure, reprend un peu son calme, souffle avant de se manifester.
Autant commencer par se laver les mains. Changer ses chaussures pour des chaussons. Elle les cherche, il les lui faut.
Elle ne fera rien sans eux. Mais rien, personne, le manque terrible dans lequel elle se tient, piétine, et ce carrelage sans pitié qui lui glace lentement les pieds à travers ses bas. Il, David, ne sait pas jouer sans hurler, il ne fait rien de façon mesurée. La nounou sort de la chambre en s’appuyant sur la poignée de l’autre côté de la porte, passe une main sur sa figure comme si elle essuyait la fatigue accumulée. Elle a
l’air d’avoir traversé une épreuve éreintante mais formatrice dont il fallait absolument que quelqu’un vienne la relever au plus vite.
Je vous laisse. Il a goûté. La maîtresse a mis un mot dans le cahier de correspondance.
Désolée, le RER. Un suicide.
Il y en a beaucoup en ce moment.
À mardi prochain. Je vous paierai l’heure commencée.
Pour la nounou c’est un travail. C’est pourquoi elle étale une couche de maquillage si épaisse sur sa bouche, ses joues et ses paupières, porte des talons si hauts et un parfum si puissant. Elle va rentrer chez elle, dîner, regarder un film d’amour. Le film finira mal, mais rien ne l’empêchera d’avoir des rêves.
Pour la mère qui rentre, pas question de se laisser vivre.
Huit bras lui poussent. Le soir signifie : heure de la crise, des colères de David. Et le repas qui n’est pas prêt. Le bain. Laver le petit corps glissant comme un poisson, qui tout d’abord, c’est rituel, ne voudra pas entrer dans l’eau, puis refusera
d’en sortir.
Elle aurait besoin d’une douche, longuement. Se laver de cette journée. Elle aspire un instant à cette pluie sur sa peau, comme quelqu’un qui meurt de soif elle en a le mirage. Son estomac se crispe. Il va falloir tenir. Elle entend claquer le portail sur la nounou. Plus aucune aide ne viendra de l’extérieur, son mari inutile d’en attendre quoi que ce soit, il rentre à des heures indues, quand tout est fini, qu’il n’y a plus rien
à faire qu’à se glisser dans la nuit.
Enchaîner les actions qu’on attend d’elle. Son corps est rôdé, il sait ce qu’il fait. S’orienter dans le couloir à l’odeur obscure. Résister à l’appel tout bas de la salle de bains. Pousser la porte de la chambre d’enfant pour découvrir son trésor au milieu des rails d’un circuit empilés comme un jeu de mikado, mélangés à des lego et des plumes. On dirait un jeune chat qui a mangé un oiseau.
Il va falloir ranger. Il est tard. Tu t’es bien amusé mon cœur?
David fronce le front. Voilà ce qu’il n’aime pas, la voix de l’autorité, celle qui dissipe d’un coup le bon vertige de l’invention et le chaos qu’il entraîne. Quand sa mère a cette voix et casse sa magie, il la déteste.
Elle assume patiemment le rôle de l’ennemie. Agenouillée sur le tapis, jette les wagons dans le panier d’osier où ils se télescopent, aimantés. Rouge vif jaunes bleues vertes, composer à la va-vite un bouquet de plumes qui ne se trouvent sous aucun climat. Assis sur ses talons, les mains contenant ses genoux, le petit suit chacun de ses gestes d’un regard de rage, tant l’injustice qu’il subit lui semble irréparable. Ou chez un perroquet. Dit ara. Tu ne m’aides pas mon amour?
Elle s’aperçoit qu’elle a gardé son manteau.
Ils nous font
Extrait 12
rassemblement de membres miens
rompus aux us
et coutumes du long temps
allons ce sont mes
mœurs ces sentiers coupés
d'herbes d'arbres
l'ombre
ab
errante
qui
barre
l'allée
là
bas
p.78
Les Longtemps
Extrait 4
longtemps ont fait écran
déchirés
Ils ne répondent pas
de
meurent sur le chemin
du retour
que ne prend pas le temps
aussi datent-Ils
à présent
chanteurs de mémoire
retardent en rappelant
p.12
Les Longtemps
Extrait 2
ce sont des tombes
Ils n’ont rien
ne se possèdent pas
Ils ont l’air
avoir pied dans la terre
creuse la profondeur
végéter à la verticale
les rattache au réel
Ils continuent
pousser ne leur permet pas
de parler
Ils n’ont pas le pouvoir
n’ont jamais prétendu
dominer le monde
seulement
Ils dépassent
Ils nous couvrent
p.10
la myopie guette
j’y vois comme vous
et moi la myopie guette
sous les phrases voyantes des choses
sont là mais on ne me voit pas à travers
vue que je donne à voir l’œil
qui est derrière mon regard devient le vôtre
un livre s’y prête
les pins grimpent comme des écureuils
une table fait planche
sous le cèdre ciel
soudain toutes les fleurs on sent
qu’elles sont faites pour
se recueillent à la source d’être pas
sagères attention les heures sont
aux manettes
il est rare qu’une fleur s’élève
à la hauteur d’un arbre est trop loin
de la mer pour l’imiter
même s’il stagne étincelle sur place
eau en faux feu
dans son lent balancement approchant
lire serait lancer une passerelle à temps
pour sauter
mettons tout ce qui tient du pont entre
coupé