Science des réseaux, cartographie du web, bases de données relationnelles, tableaux de bord ou encore algorithmes de traitement automatique du langage, autant d'objets et de savoirs extrêmement variés de traces numériques disponibles sur le web social. Leur hybridation avec les problématiques de la mesure d'opinion est loin d'aller de soi. En tout état de cause, elle reconfigure profondément la façon dont cette dernière était envisagée.
Par ailleurs, en s'intéressant aux publications des internautes, ces acteurs choisissent de traiter un matériau surabondant et, surtout, préexistant à la mesure. Contrairement à une enquête par sondage, il est impossible de calibrer a priori les opinions étudiées, recueillies dans toute leur diversité et dans l'infinité potentielle des sujets traités et des nuances exprimées. Surtout, dans la mesure où le web social laisse une large place à l'anonymat, il est presque toujours impossible de savoir "qui parle", c'est-à-dire de caractériser les publics opinants en fonction des variables traditionnelles telles que l'âge, le sexe, la profession ou le lieur de résidence.
Tirer parti de la spontanéité de l'expression en ligne suppose donc de renoncer au paradigme de la représentativité statistique. Face à des défis épistémologiques, techniques et politiques, il nous faut retracer la variété des réponses élaborées par les acteurs de l'opinion en ligne et la façon dont se stabilise peu à peu un nouveau régime de connaissance et de gouvernement des opinions.