Le ministère de la Justice, auquel j'appartiens en tant que fonctionnaire, est le seul ministère qui a pour nom une vertu, un idéal. Je dois ainsi me confronter, dans les vicissitudes de chaque jour, à une forme d'absolu. Je le vis comme une mission qui m'élève. Je sais que « juger autrui, c'est se juger », pour reprendre la formule de Shakespeare. Je suis donc toujours face à ma conscience. Cette tension entre idéal et réalité est une source de fatigue, d'insatisfaction mais aussi de défis et de quelques joies intérieures nées du sentiment d'avoir fait non seulement justice, mais bonne justice. En effet, une bonne décision de justice doit être féconde au sens où elle ne ferme pas l'avenir, mais le prépare.