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Citation de Cannetille


Il y avait l’Alger Blanc des concerts, des cinémas, du théâtre, de l’opéra, à l’image de ceux de La Métropole à laquelle on voulait tant ressembler et… beaucoup se démarquer ; l’Alger de la rue d’Isly avec son Milk Bar, ses Cafeteria et autres Galeries Françaises, son théâtre sur la place au bout de la rue et les boutiques de luxe de la rue Michelet… les restaurants de la côte, les bals musette de Baïnem et Padovani et les soirées chics du Club des Pins, le Front de mer, fameux, qui accueillait avec munificence les visiteurs arrivant par la mer. Enfin, l’Alger moderne, affairé, cossu, arrogant, sûr de son dynamisme, de son audace et… de sa permanence. Un Alger aux plaisirs duquel seule une petite partie de l’élite arabe, avait accès.
Pourtant, cet Alger-là, portait un fardeau d’échardes, mourait d’avoir instauré la servitude sans avoir jamais imaginé son éclipse, de n’avoir pas vu l’incandescence des bidonvilles, d’avoir permis les petits cireurs agenouillés qui n’allaient pas à l’école, fermé les yeux sur l’analphabétisme et la pauvreté au cœur même de la cité, ne voulait pas voir les campagnes rongées par la misère, d'avoir ignoré que la bourgeoisie autochtone, supposée acquise, à tort, rêvait d’un autre statut et d’un autre avenir.
Alger n’était pas seule à offrir ce visage de la séparation. Partout des villes fragmentées, divisées en quartiers étanches, repliés sur leurs nuits. Des parcelles de ghettos. Chacun chez soi, l’âme serrée du refus de l’autre. On pouvait y vivre une vie entière sans connaître jamais le voyage dans les allées des autres. Sans savoir rien des mystères qui se cachaient derrière les murs des autres. Dans leurs cœurs hors de regards, hors d’atteinte. Une amnésie voulue du réel, une amnésie de ce qui chaque jour se passait sous les yeux de tous, une espèce d’extinction de la raison. Mais voulait-on seulement savoir ? Trop lourdes à soulever les pierres des murs, trop lourde la peine au réveil sous le même ciel sans savoir quoi se dire, comment se le dire, où quand se le dire. Y avait-il seulement quelque chose à se dire ?
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