AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Behja Traversac (21)


Car cette clause de l’injure – pas seulement contre les femmes, mais contre la révolution elle-même, contre le pays tout entier, contre son avenir – était contenue dans ce qu’on appelle le code de la famille, et que nous nommions le code de l’infamie. Il est encore en vigueur aujourd’hui. Les clauses les plus rétrogrades ont été aménagées en 2005 mais l’esprit d’infériorité des femmes y reste prégnant : polygamie, tuteur pour le mariage, inégalité dans l’héritage… conditions particulières pour la garde des enfants… pour le mariage avec un non-musulman…
Commenter  J’apprécie          150
Alger, de mes enfants, mes amours, dont tu seras toujours l’ancre. Tu fus la nacelle de leurs premiers pas et de leurs premiers mots. Rien ni personne ne peut effacer leurs noms de tes rues. Ni les ostracismes, ni la bêtise, ni les égratignures… ni le temps, ni l’éloignement. […] Pourtant, c’est chez toi qu’ils sont passés au-delà des murs du racisme. C’est toi qui leur as donné ce regard ample d’enfants du monde qui ne voient ni les couleurs de peau, ni les identités figées, ni les idées sans retour. C’est en toi qu’ils ont acquis la force de l’interrogation, la force du doute, la force de l’amour des autres. Ils t’aiment, Alger, ne les abandonne pas.
Commenter  J’apprécie          153
Tant d'années plus tard, alors que nos jeunesses ont été emportées dans l'épaisseur du temps, dans la multitude des chocs, des exils, des dépossessions, des désunions, des serments, des combats incessants de la vie, j'aime à renouer avec "ce temps perdu" dans la galaxie des révolutions de toutes sortes.
....
Portsay symbolise, pour moi, un des seuls abris possibles, quand tout ce que nous partagions a disparu. Une île lointaine, légère, comme une aile de papillon, lourde du poids de nos mémoires.
Commenter  J’apprécie          70
On ne part pas de toi, Alger,
on s'arrache,
On se déracine.
On s'exile.
Commenter  J’apprécie          50
L'union interculturelle est « naturelle » pour vous ?

Chems : Oui, on peut le dire comme ça. Je vis moi-même avec quelqu'un qui n'a pas les mêmes origines que moi, tout au moins en partie. Peut-être que des gens qui sont traditionnellement ancrés dans une culture unique peuvent se sentir mal à l'aise dans une culture différente. Et encore, je n'en suis pas certaine. Je crois surtout que chaque culture possède des lieux en commun, je veux dire des lieux de rencontre. Je ne crois pas du tout que les cultures soient des blocs hermétiques. Au contraire, elles sont toutes pleines de portes d'entrée, il suffit d'avoir envie de les ouvrir. Un couple, quelle que soit l'origine de l'un et de l'autre, est surtout confronté à sa relation humaine, affective et, aussi prosaïquement que cela puisse paraître, à la gestion du quotidien.
Commenter  J’apprécie          50
Partir et tout laisser. Va-t’en mais va-t’en donc, tu es chassée, expulsée. Rien de ta vie ne ressemblera à ce qui se fera ici. Il faut aller vers cette certitude, la débusquer, la penser seule possible, chasser les doutes, les indécisions qui cachaient mal leurs attachements. Tremblants. Avec le cœur palpitant de leurs souvenirs, de leurs habitudes, chasser les images des échappées sur la plage au pied du Chenoua, ou dans la forêt de Baïnem, oublier les effluves d’air sucré… Chasser la peur de l’inconnu, y loger un peu d’âme. Chasser les inquiétudes, le lointain n’est pas si loin, n’est pas inhospitalier. Partout on peut cueillir des fleurs, partout on s’éblouit du monde. S’arracher au passé-présent, seule cette idée est à convoquer. S’en convaincre jour après jour, heure après heure. Croire à toute force en l’apaisement, peut-être à la joie sous d’autres horizons.
Ainsi s’écrit l’exil.
Commenter  J’apprécie          30
Il y avait l’Alger Blanc des concerts, des cinémas, du théâtre, de l’opéra, à l’image de ceux de La Métropole à laquelle on voulait tant ressembler et… beaucoup se démarquer ; l’Alger de la rue d’Isly avec son Milk Bar, ses Cafeteria et autres Galeries Françaises, son théâtre sur la place au bout de la rue et les boutiques de luxe de la rue Michelet… les restaurants de la côte, les bals musette de Baïnem et Padovani et les soirées chics du Club des Pins, le Front de mer, fameux, qui accueillait avec munificence les visiteurs arrivant par la mer. Enfin, l’Alger moderne, affairé, cossu, arrogant, sûr de son dynamisme, de son audace et… de sa permanence. Un Alger aux plaisirs duquel seule une petite partie de l’élite arabe, avait accès.
Pourtant, cet Alger-là, portait un fardeau d’échardes, mourait d’avoir instauré la servitude sans avoir jamais imaginé son éclipse, de n’avoir pas vu l’incandescence des bidonvilles, d’avoir permis les petits cireurs agenouillés qui n’allaient pas à l’école, fermé les yeux sur l’analphabétisme et la pauvreté au cœur même de la cité, ne voulait pas voir les campagnes rongées par la misère, d'avoir ignoré que la bourgeoisie autochtone, supposée acquise, à tort, rêvait d’un autre statut et d’un autre avenir.
Alger n’était pas seule à offrir ce visage de la séparation. Partout des villes fragmentées, divisées en quartiers étanches, repliés sur leurs nuits. Des parcelles de ghettos. Chacun chez soi, l’âme serrée du refus de l’autre. On pouvait y vivre une vie entière sans connaître jamais le voyage dans les allées des autres. Sans savoir rien des mystères qui se cachaient derrière les murs des autres. Dans leurs cœurs hors de regards, hors d’atteinte. Une amnésie voulue du réel, une amnésie de ce qui chaque jour se passait sous les yeux de tous, une espèce d’extinction de la raison. Mais voulait-on seulement savoir ? Trop lourdes à soulever les pierres des murs, trop lourde la peine au réveil sous le même ciel sans savoir quoi se dire, comment se le dire, où quand se le dire. Y avait-il seulement quelque chose à se dire ?
Commenter  J’apprécie          30
Elle [mère de l’auteur] me dit un jour : « Je voudrais vivre comme un homme, car eux font ce qu’ils veulent. Je suis partie parce que je ne voulais rien d’autre que faire ce qui devrait être la conviction de toutes les femmes : ne pas subir la soumission. Je ne fais de mal à personne, je veux seulement décider de ma vie.» Elle frémissait encore de son audace, de ses audaces. Je peux témoigner qu’elle tint parole. Tout en continuant à nous couvrir de son aile protectrice et autoritaire, elle poursuivit son chemin vers l’indépendance. L’indépendance personnelle, intime. Celle qu’elle voulait s’octroyer par sa seule détermination. Elle disait : « Pour bien vivre l’indépendance du pays, il faut pouvoir vivre la sienne propre », je trouve aujourd’hui incroyable qu’elle ait eu une telle prescience alors qu’elle n’avait aucune formation ni expérience politiques.
Commenter  J’apprécie          20
Des Arabes face contre le Mur, bras levés, des paras dans leur dos avec leurs mitraillettes. Toutes les fibres de mon corps qui s'affolent, une phrase leur parvient du fond de l'inconscient "Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux". J'avais appris ça à l'école de la République Française ! Ce jour-là, les mots des révolutionnaires français dégringolent des dos des arabes et s'écrasent à terre en faisant un bruit assourdissant à mes oreilles.
Commenter  J’apprécie          20
(à propos de la mère de la narratrice). Elle disait : "Pour bien vivre l'indépendance du pays il faut pouvoir vivre la sienne propre."
Commenter  J’apprécie          20
Il régnait chez ma grand-mère une atmosphère que je ne saurais définir. Une espèce de va-et-vient entre la vie urbaine, sédentaire, policée, et la vie nomade, échevelée comme vents d’oasis, s’esclaffant dans ses accents chantants, longs comme des interrogations sans fin… Aujourd’hui, je me demande comment elle arrivait à marier avec une telle sérénité et une telle harmonie,ces deux aspects de sa personne, de son passé et de son entourage. Deux mondes différents qui se croisaient, coexistaient, avec l’air de ne s’affronter jamais.
Commenter  J’apprécie          10
Un bâtard est par essence coupable et ne peut être que coupable. Tout l’écorchait comme si sa peau était le réceptacle de la culpabilité du monde. Comme si une plaie énorme, visible, incurable le couvrait et le désignait aux yeux malveillants du monde. Dès qu’il apparaissait quelque part, les yeux lui semblaient chercher sur tout son corps je ne sais quelle vénéneuse ou contagieuse souillure. Il se noyait dans l’obsession de « La tache » semblable quelque peu à celle que décrit Philippe Roth dans son roman du même titre. Le monde se rétrécissait, seule sa blessure, irrémissible, peuplait sa vie.
Commenter  J’apprécie          10
Comment peut-on vivre l’école sous trois syllabes aussi absurdes que SNP ? Sans Nom Patronymique. À sa naissance à l’hôpital, on l’avait inscrit sous cette absence de nom. Il était doté d’un nom qui était une absence de nom, comme marque de sa reconnaissance par l’administration, par les autorités de toutes sortes, par le directeur d’école, par le maître, par son copain de pupitre en classe. Par tous et partout où qu’il aille. Il était doté d’une non-identité pour identifier sa personne. Il était nu. Tragique, vil, grotesque.
Commenter  J’apprécie          10
Alger encore, un matin scolaire. La pente rude, obligeait le trolley à descendre prudemment la route aux multiples virages qui menait à Bab El Oued où, là, nous prenions le tram pour aller au lycée à Alger. L’arrivée sur Bab El Oued, ce matin-là, m’a laissé l’impression d’un monde gris, besogneux. Une espèce de porosité accablante entre les gens. Un monde de petits employés tristement pressés, majoritairement d’origine européenne, et un monde de femmes de ménage mauresques, d’ouvriers et de boutiquiers des deux communautés. Des silhouettes lasses, désenchantées. Cette femme au teint blafard, au blond fané, si maigre, des gros verres de myope, qui ravaudait les bas filés dans son échoppe. Je passais souvent devant sa boutique et j’avais un chagrin fasciné à l’idée qu’elle pût faire un tel travail, dans cet endroit tout sombre, tout petit, un peu malodorant, avec ses yeux si myopes. Elle devait gagner trois sous, trois centimes. Non, elle n’était pas un colon exploiteur, c’est sûr. Elle était Européenne et je ne sais si elle se sentait une solidarité de classe avec les indigènes.
Commenter  J’apprécie          10
Pour nos quatorze-quinze ans, Marie représentait une référence : la trentaine, fonctionnaire et… bachelière, disait-elle avec une fierté dont je n’ai perçu la condescendance que bien plus tard. Je lui montre un poème écrit un soir dans le noir de mon lit ; verdict :
- Tu l’as copié sur un livre !
- Mais non, non, non…
- Une Arabe ne peut pas écrire un poème comme ça !
Commenter  J’apprécie          10
Nul ne veut ensevelir son espérance ; les uns disent : on est d’ici de toute éternité, ils ont tout, on n’a rien ou tellement moins, ou si peu et si peu d’entre nous, ça ne peut pas durer ; les autres disent : ici est la terre natale, on y a nos maisons, notre labeur et nos morts, plus personne ailleurs, et le soleil et la mer, et les orangers et les oliviers et les vignes, comment s’arracher ?
Commenter  J’apprécie          10
Aux séparations des communautés, s’ajoutaient les séparations de classes. Pas tout à fait les mêmes les gens du populaire Bab El Oued et ceux du résidentiel Hydra ou de l’aristocratique Club des Pins, lui, totalement européen, les deux autres très majoritairement européens. Pas tout à fait les mêmes les gens de l’âpre et mystérieuse Casbah devenue uniquement arabe et ceux du Belcourt de Camus pas totalement européen. Kouba, Saint Eugène, Clos Salembier, Le Ruisseau, Léveilley… quartiers mixtes, minorité arabe de vieille souche bourgeoise ou traditionnelle et des familles très modestes ou pauvres. Qui n’a pas connu cet Alger-là ne peut imaginer la mosaïque des relations entre ces mondes qui se côtoyaient, s’ignoraient et se reconnaissaient, chacun d’eux obsessionnellement conscient de la présence de l’autre, le souhaitant mort et vivant, coupable et innocent, étranger et complice, aimé et haï. Ennemi et frère. Des vies à vies brûlantes, se refermant inexorablement chacune, sur les certitudes du bon droit de l’un et de l’autre et sur l’incertitude des destins des uns et des autres. Des temps sulfureux faits d’appels non entendus, de mains rejetées, de signes
non déchiffrés, alors que déjà, le pays se drapait de rouge sang.
Commenter  J’apprécie          10
Le temps dévastateur qui sépare les êtres, s’empare de nos corps les fait se courber,
Comme un sculpteur De mauvais aloi.
Voleur de jeunesse, De beauté, d’éclat.
Le temps n’existe pas disent les scientifiques, peut-être, mais comme il pèse sur nos épaules.
Commenter  J’apprécie          10
Les départs définitifs des personnes qu’on a aimées laissent en nous des blessures irréparables. Chaque être qui meurt emporte avec lui une partie de l’existence de ses proches. Il emporte justement le temps passé avec eux ou qu’il n’a pas pu passer avec eux. Il emporte tout du partage de nos affections, de nos complicités, de nos rires et de nos larmes, de nos colères, de nos brûlures, de nos jalousies et de nos acceptations, de nos sincérités et de nos mensonges, il emporte tout de nos désirs fous, tout de nos troubles, oui, il emporte tout de nos orages et de nos éblouissements. Et puis et puis, il emporte encore tout de ces petits échos qui survivent obstinément : le parfum, le son, l’éclat de la voix, l’éclair des mots, que nous aimons à répéter en des moments inattendus lorsqu’ils s’invitent sans crier gare dans une conversation, une action, une péripétie de la vie courante, et même parfois dans nos silences ou nos solitudes.
Commenter  J’apprécie          10
Alger, aurait-on effacé de ton souvenir que l'Afrique entière et l'Asie et le monde t'ont aimée pour la luttes incessantes contre tous les envahisseurs? Alger, as-tu oublié que tu as été un espoir et un modelé de liberté pour les peuples opprimés?
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Behja Traversac (16)Voir plus

Quiz Voir plus

Une vie entre deux océans - M.L. Stedman

Dans quel pays se déroule ce récit ?

Etats-Unis
Canada
Australie
Nouvelle-Zélande

10 questions
28 lecteurs ont répondu
Thème : Une vie entre deux océans de M. L. StedmanCréer un quiz sur cet auteur

{* *}