Comment ça va ?
Comment vas-tu ? Merci, ça marche après l’aurore.
Je vis, il n’y a pas d’autre solution.
Le matin au marché parmi les fleurs et les poivrons
Je respire l’odeur des coings encore et encore
Et je rentre avec les cabas plein de météores.
Je vis bien, ne te fais pas de soucis.
Je n’attends pas que la mort vienne, j’attends
que la vie passe.
C’est vrai, quelques émois me tracassent
Mais ils sont éphémères et tout petits :
Je dis bonjour au lieu de bonne nuit.
(traduit du roumain par Radu Bata)
Ceux qui s'apprêtent à lire ce livre doivent savoir dès le début qu'il ne relate que la vérité.
Rien n'est romancé, rien n'est inventé, rien n'est modifié. Pas même par des procédés de filtrage destinés à provoquer des effets littéraires.
Aussi invraisemblable que l'un ou l'autre des faits puisse paraître, tout a été et reste une tragique réalité dans un monde où les hommes sont punis même pour avoir simplement espéré.
Un cauchemar et un enfer terrestre vécus par moi-même, exactement comme ils sont décrits ici.
Car Mathé, c'est moi-même.
(Avertissement de l'auteur)
Hier et aujourd'hui, séances plénières.
D'entrée de jeu, nous sommes informés que le bureau de l'Union a accepté la démission de Filip Suarez de ses fonctions de président, par suite de sa santé déficiente.
Le nouveau président : César Darius. Le même qui au printemps de l'année dernière a tout essayé pour s'emparer du pouvoir, au moment de la chute de Homonculus.
Mais pour ce qui est de la version officielle sur la démission de F.S., la réalité est tout autre. Ayant décidé de le renverser pour prendre sa place, César Darius avec quelques autres, dont Eugène Crevedia, ont mis en circulation sur son compte une horrible calomnie. Comme quoi, lors d'un récent voyage à Paris, F.S. aurait acheté à sa femme une fourrure avec de l'argent prélevé sur le fonds des écrivains. Seule preuve : la déposition verbale de Trifan Avram. Celui-ci, bien que directeur administratif et financier, n'a pas été en mesure de présenter une seule preuve matérielle de ses allégations.
(p. 140)
Impondérabilité
Je ne suis pas de verre
mais je vois à travers
quand je regarde le trou de la nuit
qui correspond aux lointaines mers
Je ne suis pas une fleur
pourtant me traverse une odeur
quand je suis ensommeillé
et presque prêt à m’envoler
Ce sont des songes
comme des toiles d’araignées ?
Des papillons qui charrient l’eau
pour des tombeaux ?
Ce sont des chants de phosphore
dans la crinière des chevaux
qui perdent le hennissement
en prenant le mors aux dents ?
Je ne suis pas fait de sons
pourtant je les vois et entends
quand je pars au ciel sans raison
pour revenir sur terre à temps
Ce sont de nouvelles graines ?
des secondes renversées ?
Des arbres qui s’en vont
pour que d’autres reviennent ?
Des lampes qui s’allument
pour aller au théâtre ?
Des amours poignardées
pour grandir en volume ?
Je ne suis guère mais par elles j’existe
par elles je tâtonne le rien versé nulle part
et le sexe entre deux négations
quand dans cette jungle de cristal au toit de pailles bleues
je vois les hommes gagner leur pain au trapèze
et les miettes sauter de branche en branche
selon l’humeur du jour
Les planètes sont-elles devenues
– dans le bec des perroquets atomiques –
des orgues de Barbarie désaccordées ?
Est-ce que la fanfare militaire des faux cols
– enroulés comme des trombones autour de l’échine du siècle –
nous apprendra que bientôt va éclater une paix violette
qui nous fera tous taire pour de bon ?
(traduction du roumain par Radu Bata)