Si un livre existe, qui peut faire détester la guerre, peut-être, certainement est-ce celui-là.
L'ouvrage s'ouvre sur une parabole, au titre éponyme, "Les loups" :
Après mille ans et plus de guerre déclarée, les loups proposèrent la paix aux animaux pacifiques.
Mais, Croquedur, un vieux loup philosophe au nom prédestiné, un jour, voulut rendre puissance et dignité à ses frères émasculés ...
L'ouvrage de Benjamin Valloton a été publié en 1918, alors même que l'écho du tocsin de la "Grande Guerre" résonnait encore au dessus des villages meurtris.
L'émotion y est palpable de tous ces événements tragiques vécus qui ne sont pas encore entrés dans l'Histoire.
Et les pages de ce livre sont emplies de la révolte, de la tristesse, de la colère, de l'angoisse de son auteur, des hommes ... et de Saint-Nicolas
Car si le recueil est composé de douze nouvelles, quatre d'entre-elles sont intimement liées : Noël 1914, Noël 1915, Noël 1916 et Noël 1917.
L'on y découvre un saint-Nicolas, décidément bien plus pénétré d'humanité que notre bon gros pépère de Père-Noël, aux prises avec la guerre et en lutte avec l'occupant.
Mais que l'on ne s'y trompe pas, "Les loups" n'est pas un ouvrage pour les enfants.
Le conte, ici, même s'il est cousu de merveilleux et de fantastique, a été pétri de la littérature adulte la plus volontaire qui soit.
"Les deux lits" est le récit poignant des relations d'un fils et de sa mère, d'un lit de bois et d'un lit de fer ...
"Les deux vieux" est l'histoire de deux amis, presque frères, nés la même année dans le même village, qui partirent côte à côte, en 1847, pour la guerre du Sonderbund ...
"Le retour du soleil" est une jolie peinture du retour du printemps, un paysage épargné par la guerre, l'expression d'un regret plein de remord de la neutralité suisse ...
Dans "Les clefs", Émile Paufait, un soldat belge, parce qu'il a été éclaboussé du sang de tant de frères, est devenu neurasthénique.
Quelques vieilles, au nez fureteur, le prennent pour un paresseux ...
"Exilés" est le drame poignant de Grégoire Paatian, apatride arménien ...
C'est dans"Evacués" que l'on fait connaissance de ces hommes paisibles que le tocsin de la guerre a arraché de leur village natal ...
Et l'ouvrage se referme sur "Le congrès des animaux sauvages" qui "en ont vu de cruelles dans le temps que des hommes vêtus d'une longue capote grise occupaient le pays" ...
Estomaqué, je viens de refermer ce livre, qui a cent ans et n'a rien perdu de l'intensité de son propos, qui parle des loups, des hommes, et qui finalement est un cri de désespoir ...
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