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Citation de LydiaB


FRIDENBERG – Qu’est-ce que vous faites ici ?

LE BALAYEUR – On m’a demandé de terminer tout le troisième étage avant de partir, j’ai pris un peu de retard. Veuillez m’excuser…

FRIDENBERG – Vous savez que dehors c’est le couvre-feu ? Comment allez-vous faire pour rentrer chez vous ?

LE BALAYEUR – …

FRIDENBERG – Ce n’est pas grave. Vous avez de la chance d’avoir en face de vous une âme charitable. Je vais appeler la Kommandantur et les avertir de l’incident. Restez ici.

LE BALAYEUR – Pendant ce temps… Je peux terminer ?

FRIDENBERG – Pardon ?

LE BALAYEUR – Je peux… ?

FRIDENBERG – Faites donc, oui.

LE BALAYEUR – Merci.

(Fridenberg prend le téléphone et compose un numéro.)

FRIDENBERG – Bonsoir, Elsa Fridenberg, de l’Académie des beaux-arts. J’ai un balayeur qui a dépassé ses horaires. Il devrait être chez lui mais il a fait un peu trop de zèle, si vous voyez ce que je veux dire… Il se retrouve coincé à l’Académie. Très bien. Je lui dirai. Je vous remercie. Et… Officier ? Je peux savoir ce qu’il se passe dehors ? Les SS ? Ah. Je vois. Merci. Bonne soirée.

LE BALAYEUR – Alors ?

FRIDENBERG – Vous pouvez rentrer chez vous. Si on vous arrête, vous n’aurez qu’à dire que la Kommandantur du Ier arrondissement vous a délivré une autorisation spéciale. Essayez tout de même d’être discret. Les SS sont nerveux ce soir.

LE BALAYEUR – Je vous remercie, Madame la Directrice.

FRIDENBERG – Ce n’est rien. Allez-vous-en maintenant. Et sortez par la porte principale, je vous prie. (Il va pour sortir mais s’arrête devant La Ronde de nuit.) Quelque chose ne va pas ?

LE BALAYEUR – Saisissant… La Ronde de nuit. Une reproduction, bien évidemment. L’original a une dimension colossale. Ajoutez-y l’effet produit par le clair-obscur, et le spectacle de ce tableau est vraiment saisissant.

FRIDENBERG – Monsieur…

LE BALAYEUR – C’était une commande, n’est-ce pas ? Si mes souvenirs sont bons, une commande destinée à être accrochée au quartier général de la garde municipale de Rotterdam. On a fait appel à Rembrandt parce qu’il était habitué aux peintures de groupe. Vermeer, non, lui il n’aimait pas ça, le nombre, il préférait la tranquille intimité d’une maison, le silence appliqué d’une ménagère… On peut dire qu’il méritait bien son surnom de « peintre du silence ».

FRIDENBERG – Quelle érudition impressionnante…

LE BALAYEUR – Pour un balayeur ?

FRIDENBERG – Je vous conseille de vous en aller. Je ne serai pas aussi patiente que la Kommandantur.

LE BALAYEUR – Pardonnez-moi, c’est toujours le même problème. Je balaye, mon attention se fixe sur un tableau et je ne démords pas. Je pourrais passer des heures à le contempler. C’est pour ça que je suis toujours en retard. (Apercevant le cadre retourné sur la chaise.) Ce cadre là-bas, pourquoi est-il retourné ? Il faut que je le range.
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