AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Bibliographie de Bernadette Roberts   (1)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Cette interprétation du silence qui s’était fait dans mon esprit (absorption) parut suffisamment convaincante pendant environ un mois; après quoi je changeai de nouveau d’avis et me dis que cette absorption était en fait un état de conscience, une « vision » d’un genre particulier; ainsi donc ce qui s’était produit réellement n’avait rien d’une fermeture, c’était au contraire une ouverture : rien ne manquait, « quelque chose » avait été ajouté. Mais par la suite cette idée, elle aussi, ne me parut pas correspondre à la réalité; elle n’était pas vraiment satisfaisante; il s’était passé autre chose et je décidai de me rendre à la bibliothèque, pour voir si l’expérience d’autrui ne me fournirait pas la clé de ce mystère.

Il m’apparut bientôt que si cela ne figurait pas dans les œuvres de Jean de la Croix, cela ne figurerait probablement nulle part. Je connaissais pourtant bien les écrits du saint, mais je n’y trouvais pas d’explication sur mon expérience personnelle et n’en trouvais d’ailleurs aucune dans toute la bibliothèque. Ce jour-là, cependant, l’explication m’apparut sur le chemin du retour, tandis que je descendais la colline, face au panorama de la vallée et des coteaux : je tournais mon regard vers l’intérieur et ce que je vis m’arrêta net dans mon élan. Au lieu de percevoir comme d’habitude le centre de mon être non localisé, je vis qu’il n’y avait plus rien, c’était le vide, à ce moment une vague de joie sereine m’envahit et je sus, je sus enfin ce qui manquait : c’était mon propre « moi ».

Physiquement, j’avais l’impression qu’un lourd fardeau m’avait été retiré; je me sentais si légère que je regardai mes pieds pour m’assurer qu’ils touchaient bien le sol. Plus tard je songeai à l’expérience de Saint Paul : « A présent ce n’est plus moi mais Christ qui vit en moi », et réalisai qu’en dépit du vide où je me trouvais, personne n’était venu se substituer à moi. Aussi me dis-je que Christ ETAIT précisément cette joie, ce vide. Il était tout ce qui subsistait de cette expérience humaine.
Commenter  J’apprécie          50
J’entendis un bruit de clés, la sœur s’apprêtait à fermer la chapelle. Il était temps de rentrer à la maison et de préparer le dîner des enfants. Il m’avait toujours été difficile de sortir brutalement d’un profond silence, car mes énergies étaient alors au plus bas et le simple fait de bouger représentait un effort comparable à la levée d’un poids mort. Cette fois, cependant, il me vint à l’esprit de ne pas penser à me lever, mais d’exécuter ce mouvement, tout simplement. Il me semble avoir appris là une intéressante leçon, car j’ai quitté la chapelle à la manière d’une plume portée par le vent. Il ne faisait pour moi aucun doute qu’une fois dehors j’allais retrouver mes énergies habituelles et mes facultés mentales ; mais ce jour-là, je connus des moments difficiles, parce que je tombais constamment dans cet immense silence. Le trajet en voiture fut une lutte continue contre l’inconscience totale, et la perspective de préparer à dîner équivalait à vouloir soulever une montagne.

Durant trois jours épuisants, je luttai pour rester éveillée et repousser le silence qui à chaque instant menaçait de me submerger. La seule manière dont je pouvais accomplir un minimum de tâches ménagères c’était de me répéter constamment ce que j’étais en train de faire : à présent j’épluche les carottes, à présent je les coupe, à présent je sors une casserole, à présent je mets de l’eau dans la casserole, et ainsi de suite, jusqu’au moment où finalement j’étais si épuisée que je devais me précipiter sur le divan. Dès que j’étais allongée je perdais aussitôt connaissance. Parfois une « absence » de cinq minutes semblait durer des heures, d’autres fois, c’était l’inverse. Dans cet état d’inconscience il n’y avait ni rêve, ni perception de l’environnement extérieur, ni pensée, ni expérience; il n’y avait absolument rien.
Commenter  J’apprécie          50
Et quand quelque chose est mort, on cesse vite de vouloir le ressusciter; ainsi, quand la mémoire est morte, on apprend à vivre dans l’instant présent, comme si le passé n’existait plus. Que cela puisse alors se faire sans effort – et parce qu’il le fallait bien – était une conséquence positive d’une expérience par ailleurs éprouvante. Et même lorsque je retrouvais la mémoire pratique, je continuais de pouvoir vivre sans effort dans le présent. Mais le retour d’une mémoire pratique me fit changer d’avis sur ce qui avait disparu; je me dis que l’aspect silencieux de mon esprit était en réalité une sorte « d’absorption », une absorption dans l’inconnu, qui pour moi, bien sûr, était Dieu. C’était comme un regard fixé sur l’Inconnaissable, immense et silencieux, qu’aucune activité ne pouvait interrompre. C’était là une autre conséquence appréciable de l’expérience initiale.
Commenter  J’apprécie          50
Non loin de chez moi, au bord de la mer, se trouvait un monastère, et les après-midi où je pouvais m’échapper, j’aimais me retrouver seule pendant quelques instants dans le silence de sa chapelle. Cet après-midi là était un après-midi comme les autres. Une fois de plus le silence m’envahit et une fois de plus j’attendis que la peur vienne y mettre fin. Mais cette fois-ci elle ne se manifesta point. Peut-être parce que cette attente était devenue une habitude ou bien à cause d’une peur réelle mais réprimée, j’éprouvai quelques instants d’incertitude, de tension, comme si je ressentais le contact de la peur. Durant ces instants d’attente, j’avais l’impression d’être au bord d’un précipice ou en équilibre sur une mince corde raide, avec le connu (moi-même) d’un côté et l’inconnu (Dieu) de l’autre.
Commenter  J’apprécie          50
Au neuvième jour le silence s’était fait très léger et j’étais persuadée que tout allait rentrer dans l’ordre sans plus tarder. Mais à mesure que les jours passaient et que je retrouvais mon état habituel, je remarquai la disparition de quelque chose; et il m’était impossible de mettre le doigt dessus. Quelque chose ou une partie de moi-même n’était pas revenu. Une partie de moi-même était encore plongée dans le silence. On aurait dit qu’une partie de mon esprit s’était refermée. J’incriminai la mémoire, car ce fut l’élément qui revint en dernier; et quand je la retrouvai, je constatai combien elle manquait de relief et de vie, comme les images décolorées d’un vieux film. Elle était morte. Non seulement le passé lointain, mais aussi celui des minutes précédentes, étaient vides de tout contenu.
Commenter  J’apprécie          50
L’expérience acquise m’avait permis de me familiariser avec de nombreux types et niveaux de silence. Il y a un silence intérieur, un silence qui descend de l’extérieur, un silence qui met fin à l’existence et un silence qui engloutit l’univers entier. Il y a un silence du moi et des facultés : volonté, pensée, mémoire, émotions. Il existe un silence dans lequel il n’y a rien et un silence qui contient quelque chose. Enfin, il y a le silence du non-soi et le silence de Dieu. S’il était une voie à laquelle je puisse rattacher mes expériences contemplatives, ce serait précisément cette voie du silence qui sans fin se déroule et s’approfondit.

Une fois cependant, cette voie sembla s’arrêter, au moment où je pénétrai dans un silence dont je ne devais jamais complètement ressortir.
Commenter  J’apprécie          40
Pour moi, cette expérience était la culmination de ma vocation contemplative. C’était la réponse définitive à une question qui m’avait tourmentée pendant des années : où s’arrête le « je » et où commence « Dieu » ?
Commenter  J’apprécie          40
Je fis une retraite avec les moines ermites du Big Sur. Le deuxième jour, en fin d'après-midi, alors que j'étais debout sur le versant éventé, regardant l'océan qui s'étendait en contrebas, je vis apparaître une mouette ; elle planait, plongeait, jouait avec le vent. Je l'observais comme jamais de ma vie je n'avais observé quelque chose. J'étais comme hypnotisée ; j'avais l'impression de me regarder moi-même en train de voler car il n'y avait pas entre nous l'habituelle séparation.
Commenter  J’apprécie          20
J'aurais pu passer le reste de mes jours à contempler ce spectacle, mais bientôt je songeai que tout cela était trop beau pour être vrai, que c'était une supercherie du mental et que lorsque la cloche sonnerait, tout allait s'effacer. Eh bien la cloche finit par retentir, comme elle devait retentir aussi le lendemain et le reste de la semaine, mais les lunettes 3D étaient toujours intactes. Ce que j'avais pris pour un mirage mental allait devenir un mode de perception et de connaissance permanent que je vais essayer de décrire du mieux possible, tandis que tout mon univers chavirait peu à peu. Je ne devais jamais retourner en arrière, au mode de perception habituel, relatif, de la dualité, de l'individualité. Mais ne vous mépre­nez pas : la disparition de la dualité n'a en soi aucune importance. Ce qui est important dans ce mode de perception, c'est CELA dans lequel se fond toute dualité.
Commenter  J’apprécie          10
Désormais, il n'y a plus de centre (Dieu) ni de circonférence (soi). En vérité, cette "explosion" (ou cessation) est la seule expérience de mort que l'homme connaîtra jamais . Enlevez donc la conscience de soi avec tous ses effets expérimentés et la vraie question devient "quelle est la vraie nature de ce qui reste au-delà de tout soi ? C'est le vrai mystère de l'homme et la vraie question à laquelle il a besoin d'avoir une réponse.
Aucune idée dans l'esprit ne pourra jamais donner une réponse satisfaisante à ce mystère, seul Dieu peut révéler la vraie nature de "ce qui" reste au-delà de tout soi.
Commenter  J’apprécie          10

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Bernadette Roberts (3)Voir plus

Quiz Voir plus

Fleurs, fruits, livres, chansons 🌸🍓📘🎶

Quelle chaleur!😓 Heureusement, j'ai gardé une ... pour la soif.

pomme
poire

10 questions
366 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}