Le seul style, c'est de ne pas faire de style.
LES PAYSAGES INTERMEDIAIRES - Où suis-je et où en suis-je?
La photographie parle de tous les moments apparemment sans importance qui ont, en fait, tant d'importance.
.... une ampoule électrique éclaire ce "comptoir" au sol de terre battue, dans ce petit village presque endormi; il y a des sacs de maïs, des machettes accrochées par de la ficelle, des tubes de dentifrice, des objets en plastique rose ou vert ou bleu ou jaune dont on finit par ne plus savoir ce qu'ils sont tant ils sont semblables dans leur inutilité, tout cela dans l'ambiance d'une petite boutique en Bourgogne où la porte fait "cling" en s'ouvrant; mais dehors, ici, c'est l'Empire indien qui règne encore la nuit......
....... Mon sac en bandoulière me lime l'épaule toute brûlée par le soleil qui assomme littéralement toute vie le long de la côte Pacifique. Chaque fois que ma peau me brûle ainsi quelque part sur terre, je sais qu'il fait bon respirer la liberté et humer les embruns de la mer, loin des salles de cinéma où on vous fait croire que vous êtes intelligent alors que vous êtes prisonnier......
....... le patron de l'hacienda est mort il y a longtemps, mais tous les soirs un succulent repas complet lui est servi à sa table au siège vide, avec des fruits frais du jour .......
..... le sol de sable est brûlant, la lumière devient transparente, aucun bruit. Les insectes ne sont pas dérangés. Des morceaux de viande sont accrochés à du métal tordu et sèchent, entourés de mouches répugnantes. Un de ces moments où le soleil est si peu clément qu'on a l'impression que l'univers appartient aux scorpions......
...... Il y a toujours quelqu'un assis "en train de ne rien faire" tel un moine taoïste en médiation, ou tel un vieux soufi à l'ombre du seul arbre qui ait osé pousser dans la rocaille, ou tel un sadhu dont la conversation silencieuse achève de nous faire comprendre le temps déjà perdu en bavardage sur les "derniers films sortis"; lentement, le "non-temps" rentre en nous......
Celui qui croit que rien n'est crédible est crédule.
Il y a encore beaucoup de babas dans la Drôme. Au marché de Digne, t'as l'impression d'être en Californie tellement il y a de babas-cool. Mais c'est plus dur d'y vivre parce qu'il n'y a pas de vraie infrastructure. Alors qu'à Santa Cruz sur la côte Pacifique, par exemple, il y a encore le marché avec les poteries, les trucs en macramé, les tissages en laine. Les gens s'achètent des choses les uns aux autres. À un moment, j'avais pensé vendre mes photos dans les foires hippies, mais ça ne s'est jamais fait parce que je suis devenu photographe et pas artisan. J'ai tout de même vendu quelques posters psychédéliques en Californie.
Chaque société a du bon et du mauvais. Combien de société peuvent prétendre avoir une majorité de bon ? N'est-ce pas là le succès de la société hippie ? Pour quelques drames comme l'héroïne au Charles Manson, combien de gens heureux à Big Sur ou à Goa ?