De même, vers 1840, Ingres, prisonnier de l'Institut imposera, au nom de Phidias et de Raphaël un enseignement non moins néfaste par l'usage qu'en feront de débiles comparses. Car, si l'Institut est alors Ingres, il est aussi Picot, Hersent, Blonde! comme il sera Gérôme, c'est-à-dire l'organisme inamovible qui ne tolère qu' " un certain degré d'art " et les recettes d'un manuel du savoir-peindre suffisant pour se faire une carrière à défaut d'une personnalité.
" Nul n'aura de talent, hors nous et nos amis."
Le souci d'être amusé, d'échapper à l'ennui — suprême disgrâce — apparaît parfois chez Marquet plus important que sa préoccupation de l'art. Il redoute l'ennui autant que nous redoutons la vision du moribond baveux que nous serons un soir, ramenant un drap froid au bout des doigts crispés. L'ennui le hante et se déforme en monstruosités de cauchemars : araignée géante, nuit de caserne, apparition d'un converti pédéraste, broches de femmes maigres...
La peinture de paysage n'est pas née le jour où Théodore Rousseau installa son chevalet devant un site de Fontainebleau. Elle n'est pas exclusivement non plus une mode venue d'Angleterre. Sans remonter à Claude Lorrain, aux transpositions lyriques d'Hubert-Robert, à la vérité de Moreau l'aîné, de Joseph Vernet, les paysagistes français de 1830 ont de charmants précurseurs: les de Marne, Bidault, Aligny, de Boissieu, Grobon, etc., d'abord froids ou maniérés, puis soucieux de notes justes et de perspective aérienne. Après eux, Georges Michel, Huet, Fiers, Cabat, Delaberge influencés par les Anglais oublient le paysage-décor et préparent l'avènement du groupe dont Théodore Rousseau, vers 1835, sera l'animateur. Rousseau est le premier grand paysagiste français. Il pense à Ruysdaël, à Delacroix, il pense surtout à célébrer en un vaste poème panthéiste d'une sévère puissance, la longévité des beaux arbres, la végétation des plaines et les miroirs d'eau que peuplent des troupeaux.
Il est peut-être arbitraire de fixer au Salon de 1863 et à ses refusés les origines de la peinture moderne. Il n'y a pas en art de génération spontanée. Il y a des moments propices faits d'influences et d'efforts conjugués, mais l'histoire de l'art compte peu d'époques où se révélèrent à une telle cadence et selon l'opinion de M. Paul Jamot, " autant d'originaux et d'une originalité à l'état pur ". Manet est, par ses sujets, le trait d'union entre les réalistes de 1848 et i'impressionnisme. Avec le Déjeuner sur l'herbe (1863), l'Olympia (1865), et malgré la technique nouvelle de ses " figures de jeu de cartes " peintes par modelés plats, il est encore un homme de musée. Avec le Linge (1876), En bateau (1879), Manet devient le complice de Monet. Il peint clair et, avec brio dans une matière chatoyante, des morceaux qui constituent la plus brillante illustration plastique des modes et de l'atmosphère de Paris.
Johan-Barthold Jongkind et Vincent Van Gogh, de naissance hollandaise, convaincus de menées françaises, morts et enterrés en France, sont inséparables aujourd'hui, le premier de la bande des "intransigeants" devenu les impressionnistes, le deuxième des bruyants garçons dont on fit les fauves.