Après le déjeuner chez Foyle's, John a été pris d'assaut par de très nombreuses femmes d'âĝe mûr qui ne le connaissaient manifestement pas suffisamment bien. L'une d'entre elleslui a tendu dix exemplaires de son lire pour qu'il le signe et lui a dit: "Écrivez clairement votre nom à cet endroit-ci" en montrant un bout de la page de son doigt vulgairement surchargés de bagues. John l'a regardé abasourdi. Elle s'est tournée vers une amie collée à ses côtés et lui a dit: " Je n'aurais jamais cru m'abaisser à demander ce genre d'autographe." "Et je n'aurais jamais cru devoir un jour signer quoi que ce soit pour quelqu'un de votre sorte", lui répondit John.
Leur attitude confiante, détendue, leur apparence sauvage, leur façon de sauter et de brailler, leur rock'n'roll dont le rythme résonne dans l'obscurité, tout est fait pour donner envie aux jeunes filles de sauter et crier aussi. Les plus sensibles d'entre elles perdent vite connaissance ou sont prises de spasmese d'hystérie (une des raisons pour lesquelles le rock et le jazz sont craints des dirigeants de la Russie totalitaire, c'est qu'il permettent aux gens de s'affranchir des comportements contrôlés).
Depuis des années les Beatles, comme tous les autres artistes britanniques, regardaient les ventes de disques en Amérique avec convoitise, mais aussi avec distance. Les classements américains représentaient un monde inaccessible. Seuls les artistes des États-Unis avaient pu y inscrire leur nom.
Il s'y passe ceci: les Beatles, invités au départ pour venir voir et être vu, pour écouter et être entendu, pour se divertir et divertir les gens, deviennent en réalité des machines à autographes et l'objet de toutes les insultes, provocations, demandes et exigences imaginables.
J'en convins. Elle s'appellait Priscilla. Avec le recul, nous aurions bien aimé savoir que dix-huit mois plus tard cette employée de vestiaire allait s'avérer être la chanteuse britannique la plus populaire du pays.