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Citation de Bruno_Cm


La peur ressentie face à l'impression de vide à perpétuité que laisse toute pensée liée à l'avenir constitue le substrat essentiel sur lequel se fonde le désespoir associé au chagrin d'amour. La peur porte en effet sur un objet précis. Elle est, en outre, intimement liée au présent : "j'ai peur des araignées", et cette peur se manifeste de manière aiguë à la seule vue d'un arachnide ou de l'un de ses proches cousins. L'anxiété, elle, se pose sur un objet de substitution et engage plus manifestement l'avenir : "Je suis arachnophobe" et, à la seule pensée que je pourrais à un moment ou à un autre rencontrer une araignée, je défaille... Or cette peur de l'araignée ne résulte en réalité que d'une autre peur, diffuse celle-là, plus ou moins vaguement liée à la mort et à ses vicissitudes. Cette peur diffuse, c'est précisément l'angoisse ; elle est en quelque sorte enrôlée par l'anxiété qui, en déposant la peur sur un objet dicible, permet d'en faire quelque chose de communicable.
L'angoisse est donc essentiellement dirigée vers un futur perçu comme incertain, comme une peur de l'avenir qui ne se poserait sur rien de dicible, comme une anxiété majeure qui tournerait à vide.
La perte de l'être aimé est évidemment par nature une source majeure de ce type d'inquiétude fondamentale dans la mesure où elle met essentiellement en jeu les trois fondements de l'angoisse humaine : l'incertitude, la finitude et la solitude. L'incertitude, dans la mesure où, pour ce qui relève de l'amour, tout ne dépend jamais exclusivement de nous ; la finitude, parce que rien, pas plus en amour qu'ailleurs, ne résiste à la mort, et la solitude, puisque l'épreuve d'une rupture non consentie nous laissera, semble-t-il, toujours, au bout du compte, totalement seul face à nous-même pour l'affronter.
En jouant sur ces trois affects, l'angoisse prend en otage l'avenir pour en faire un lieu de désespérance. Incertain, le futur sans l'autre est envisagé comme un temps nécessairement mort et foncièrement inhabité. C'est à partir de ce vertige ressenti face au vide à perpétuité suscité par l'angoisse que le désespoir se projette dans le temps pour prendre toute son ampleur.
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