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Critiques de Bruno Le Dantec (5)
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Et mon père un oiseau

Il est des livres dont on rêverait de rencontrer leurs auteurs autour d'un café, pour une promiscuité d'expériences, une connivence d'idées, un partage d'émotions.

Celui ci en est un. Dans ce texte qui se veut avant tout un hommage à son père décédé, l'auteur se livre, évoquant ses longues et lointaines errances (Mexique, Andalousie...), ses tâtonnements de jeune chien fougueux et rebelle, ses mille métiers, son amour des mots et celui de sa ville, Marseille. Il y dit aussi ses combats, ses résistances, sa confiance en l'humanité et sa volonté inébranlable de défendre la liberté envers et contre tout.

Aussi, quand déferle la première vague de la pandémie et son cortège d'interdictions, cet amoureux du vent piétine, confiné comme tout le monde devant son écran et ses échappées virtuelles. Mais surtout, il expérimente l'impensable, vivre la mort sous couvre-feu sanitaire.

En mars 2020, son père est hospitalisé en attente d'une intervention. Comme tant d'autres, il sera "déprogrammé " sine die et muté dans un établissement souvent cité dans l'ouvrage de Victor Castanet " les fossoyeurs ".

Commence le parcours du combattant. (Après tout, nous étions en guerre, le vocabulaire idoine n'est donc pas usurpé...) Impossible de voir son père, de lui parler; les standards saturent sous les appels des familles en souffrance.

Par mail, il apprend que le vieux monsieur "glisse", lâche prise. Il s'éteint seul et sans adieux. La famille pourra voir rapidement sa dépouille reléguée dans un local sordide, et interdite de crémation, recevra l'urne et les honoraires afférents.



Une société qui perd le contact avec la mort est une société amputée de vie. Parce ce que les deux sont inséparables, parce ce que des millénaires de rites et de cérémonies nous rappellent que le passage du défunt vers d'autres lieux doit permettre aux vivants de se réapproprier le paysage nouvellement amputé.

Sans doute avons nous tous des souvenirs ubuesques de ce moment de folie collective. J'ai vécu comme l'auteur ce chemin d'embûches ayant une Maman souffrant de troubles cognitifs et vivant en Ehpad. A moi, il a été interdit de voir sa dépouille. Sans doute le virus avait-il des appétences particulières pour les défunts...

Alors, bien sûr, ce livre m'a bouleversée, me parlant dans une région intime du cœur. J'ai rêvé comme l'auteur qui cite Alain Damasio "d'un carnaval de fous qui renverse nos rois de pacotille".

Ce livre n'est pas un roman, mais un texte témoignage, alternant coups de gueules avec des passages d'une indicible poésie pour évoquer un vieil homme épris de botanique, pour dire ces gestes de solidarité qui ont bravé les interdits, pour saluer ceux dont le courage l'a emporté sur la peur martelée.

Je termine ce billet sur une citation. " Le rétrécissement du domaine de la lutte précède t'il son extinction ? Jamais on ne nous a traité aussi ouvertement en gogos, autant qu'en troupeau à immuniser et à déshumaniser. Il faudrait le génie d'un Kafka pour dépeindre la claustrophobie et la paranoïa générale qui se sont emparées de ce pays. Il faudrait trouver les ressorts d'un roman picaresque, d'un récit vengeur là où la réalité suinte le contraire : impuissance, aliénation, morosité. "

Pour ce beau texte, je remercie les Éditions Hors d'Atteinte et Babelio.
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Et mon père un oiseau

Au départ le sujet du livre ne m'intéressait pas beaucoup. Encore le Covid ! Puis très vite j'ai apprécié la sensibilité de l'auteur. C'est un livre d'amour pour un père disparu. L'amour que le fils ne lui a pas exprimé lors de son vivant, et même s'il ne l'écrit pas, il le vit et montre à chaque ligne, remplies de nostalgie. Il ne faudrait jamais attendre que ce soit trop tard pour dire à ses parents qu'on les aime !

C'est aussi un livre sur le Covid avec la douleur de ne pas avoir pu accompagner son père vers la mort, lors du confinement. C'est encore un livre sur la mort de sa mère qu'il a accompagnée jusqu'à son dernier souffle.

Il y a d'autres sujets à découvrir, l'histoire de la vie de son père, celle de l'auteur et de sa fille.

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Dem ak xabaar, partir et raconter

Morts sans visage, sans nom, sans décompte et survivant-e-s d’une « odyssée » africaine : histoire d’un saute-frontières



« L’histoire de Mahmoud Traoré est celle de milliers de jeunes Africains qui, attirés par le chant des sirènes du mode globalisé, se lancent sur les routes de l’exil en taxi-brousse, en train, en camion à bestiaux, en pirogue, à pied… A travers le Sahel, le Sahara, la Libye et le Maghreb, Mahmoud a mis trois ans et demi pour parcourir la distance qui sépare Dakar de Séville – quand un touriste européen aurait à peine mis plus de trois heures en avion ».



Un parcours migratoire de plus de trois ans.



Dakar, Bamako, Niamey, Agadez, Ghat, Sebha, Tripoli, Ghadamès, Ouargla, Alger, Maghnia, Melilla, Ceuta et certains parcours faits à plusieurs reprises.



Sénégal, Burkina Faso, Niger, Algérie, Libye, Algérie, Maroc et Espagne. Sans oublier les traversées dans les déserts.



Voyage en taxi-brousse ou en minibus, voyage en 4×4, voyage à pied.



Accrochages, incidents, rackets, échecs de franchissement de la frontière, relégations et abandons dans le désert….



Temps d’attente dans les villes traversées : pour certaines, de simples passage ; pour les autres : une semaine, un mois, deux mois, trois mois, six mois ou 15 mois.



Les deux cartes en couvertures intérieures sont très utiles pour percevoir, au delà du texte, les grandeurs des espaces et du temps.



« Tu es là avec les mains vides et tu en as marre de galérer et d’attendre quelque chose qui, tu le sais bien, ne viendra jamais à toi si tu ne vas pas le chercher avec tes pieds. Alors un beau jour tu secoues ta carcasse et tu tentes ta chance, en te disant que si ça tourne mal, il sera toujours temps de rebrousser chemin ».



Ce récit est issu d’une trentaine d’heures de conversation enregistrée avec un homme construit institutionnellement comme « clandestin », comme « saute-frontières ».



Un-e de ces immigré-e-s montré-e-s du doigt parce qu’irrégulier-e (mais qu’est ce que la notion de régularité pour un-e être humain-e ?), et potentiel-le « bouc émissaire » de politiques racistes, volet intime des politiques coloniales et aujourd’hui des politiques néolibérales.



Une histoire de refus, de parcours, de frontières fermées et de refus de la résignation.



Je souligne la qualité des pages sur l’organisation des ghettos, comme « La république clandestine de Gourougou » et les relations de domination internes.



Le monde de la clandestinité est parcouru, comme les autres relations humaines, de tensions entre les femmes et les hommes, entre histoires et constructions « imaginaires » (pays, régions, langues ou « ethnies »).



Contre une vision artificiellement unifiée, l’auteur montre bien la « ligne de séparation » entre le Maghreb et le reste de l’Afrique, ligne cependant quelque fois floue, en pointillés, grâce à des solidarités humaines concrètes.



Une histoire racontée sans cacher des réalités difficiles, des « démerdes » des un-s-s contre les autres », la corruption de représentants des institutions, l’économie, pas si secondaire, du trafic et du passage, mais aussi l’amitié, la méfiance, la violence, la mort des moins résistant-e-s ou « chanceux ou chanceuses », les espaces de solidarités et l’aide malgré le dénuement.



Le livre se termine par un texte « La frontière, c’est un bizness » de Bruno Le Dantec. Il nous rappelle entre autres, le rôle des pouvoirs publics européens, de l’agence Frontex (« Frontex : l’externalisation de la guerre »), la criminalisation de l’émigration, l’utilisation de la main d’œuvre sans droit et sous-payée (« Du sang neuf pour le marché espagnol » et « Du sang neuf pour le marché européen »), etc.



Il souligne que « La mondialisation par le haut se hérisse de barbelés et de contrôles chaque jour plus paranoïaques » ou que « Circuler sans entraves dans le »village global » est aujourd’hui le privilège des marchandises, des capitaux et des citoyens occidentaux – dont beaucoup, malgré des revenus modestes, peuvent aller jouer aux riches dans les pays du Sud, grâce aux vols low cost et à l’industrie des vacances à bas prix ».



A cela, je pourrais ajouter les soldats de l’armée de l’État français faisant soit la « police » soit la guerre hors du territoire « national » et les français-e-s, jamais désigné-e-s comme immigré-e-s, car nommé-e-s expratrié-e-s. Le nom est aussi une forme de domination.



Contre les barbelés, les frontières, un véritable plaidoyer pour la libre circulation à l’opposé de cette circulation réelle, lente, difficile, coûteuse et dangereuse.
Lien : http://entreleslignesentrele..
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Dem ak xabaar, partir et raconter

Il aura fallu 3ans à Mahmoud Traoré pour rallier l’Espagne depuis le Sénégal. Il aura fallu 30 heures d’entretien en wolof pour obtenir ce récit traduit au plus près – au plus vrai – par Bruno Le Dantec. Ce témoignage unique retrace le parcours d’un jeune homme qui a décidé de « faire l’aventure » et se retrouve sur les chemins du migrant irrégulier. Sans jugement ni pathos excessif, Mahmoud décrit la vie sur les routes et dans les ghettos, l’organisation et l’économie souterraines de la clandestinité. Il dévoile un quotidien fait d’attente, de violence, de dépossessions, mais aussi de solidarité et de courage. A travers ce récit, ce sont aussi les contradictions des politiques migratoires qui sont pointées obligeant ainsi le lecteur à faire évoluer son regard sur cette humanité clandestine : souvent sans-papiers mais jamais sans identité.
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Et mon père un oiseau

L'hôpital va mal et ce n'est pas d'aujourd'hui, la crise Covid en a montré ses failles, ses fractures. Cette histoire est révoltante et pourtant bien réelle. Les soignants l'ont vécue de l'intérieur, ça a été un crève-coeur, une honte face au désarroi, à la détresse des patients et de leur famille.



Je ressens l'horreur du drame qu'ont subi les patients et leur famille mais je n'ai pas réussi à m'identifier aux personnages de cette histoire, à ressentir des émotions pour eux, ce n'est peut être pas le but de ce récit, c'est plus un témoignage. Pour ce que ces personnes ont pu subir durant cette période bien sur que oui je suis horrifiée, tout comme pour ces situations horribles des patients mourant seul dans leur chambre d'hôpital, ces familles restées à l'extérieur, les tracas administratifs, les bug informatique, l'envoi de courrier pour un rdv alors que le patient est décédé, toutes ces petites choses qui ravivent la douleur de la perte d'un être cher et qui empêchent de faire son deuil.



Je reste pourtant persuadée que je suis passée à côté de quelque chose, je n'ai pas trouvé le bon ton de lecture peut être que les nombreuses références à des textes ont cassé mon rythme de lecture et par la même occasion me coupaient de l'histoire et des émotions qui font que j'aime ou non une histoire.
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