Si j'ai choisi ce livre, c'est pour une raison bien particulière. Je partage les idées de l'autrice, décrites dans l'avant-propos, sur les bienfaits que pourraient nous apporter une société avec plus de douceur et de bienveillance. J'ai aussi bien conscience que ces valeurs sont souvent jugées faibles, has been, et qu'elles sont contraires à celles de notre sacro-saint capitalisme.
Si j'ai choisi ce livre, c'est aussi parce que, durant mes heures perdues, j'ai choisi d'enseigner le yoga. Et en entrant dans cet univers, je n'y ai pas découvert le monde de douceur et de bienveillance auquel je m'attendais. le bien-être, comme tout autre service, est marketé à outrance. le résumé de ce livre a donc fait écho à mon vécu et c'est dans cet état d'esprit que j'ai commencé ma lecture.
Camille Teste découpe son essai en deux parties :
• Dans la première (déconstruire le bien-être), elle repose les bases des liens entre néolibéralisme et individualisme, et démontre comment la psychologie positive (entre autres) s'est nourrie de cet individualisme et a donné naissance au marché du bien-être. Comment ce même marché du bien-être est devenu l'une des poules aux oeufs d'or du capitalisme. Comment le bien-être est devenu une injonction morale et la tristesse un état à fuir à tout prix. Comment ces mécanismes nous ont fait perdre notre pouvoir collectif au sein de la société. Comment ce bien-être reproduit la domination sexiste et raciste en son sein.
• Dans la deuxième (reconstruire le bien-être), elle se penche sur ce qu'on pourrait garder de positif du bien-être et propose des pistes d'amélioration d'un bien-être inclusif, respectueux, accessible à tou.te.s et politisé, qui serait vraiment au service de l'humain et non à celui du néolibéralisme (ex : la création d'espaces accessibles à tous les corps ; l'horizontalisation du bien-être questionnant la place/responsabilité du praticien.ne). Elle nous rappelle que nos problèmes individuels viennent aussi de problèmes structuraux de notre société et que travailler sur nous ne suffit pas à assurer un bien-être permanent.
L'idée est bonne, cet essai est instructif, il se lit vite et bien, et il a le mérite de pointer du doigt un milieu qui se veut libre et inclusif, et qui ne l'est pas toujours, et qui s'enrichit parfois du malheur des autres mais... Parce qu'il y a un mais :
Camille Teste livre ici un avis très personnel avec d'une part, une posture politique assumée qui écarte une certaine partie des lecteur.rice.s pour qui ses idées pourraient être bénéfiques, et d'autre part… Eh bien, c'est très auto-centré sur l'avis de quelqu'une qu'on ne connaît pas finalement. Elle s'appuie sur peu de chiffres/d'études à mon goût (ou en tout cas ne renvoie pas vers ses sources en bas de page), juste son ressenti personnel, ce qui ne répond pas à la promesse initiale. J'aurais trouvé cela plus pertinent d'avoir des entretiens avec les acteur.ice.s du dit bien-être pour avoir leur vision, mais aussi celle de militants politiques.
En résumé, un essai intéressant mais légèrement décevant pour ma part, que je conseillerai toutefois à celles et ceux qui fréquentent ces espaces de bien-être comme aux détraqueurs de ce milieu, même s'il ne correspond pas à la promesse attendue. Parce que même si c'est un ressenti très personnel, ses pistes d'amélioration reflètent un monde dans lequel j'aimerai beaucoup vivre demain.
Merci aux éditions
Binge Audio et à Babelio pour cette Masse Critique.