Ces deux destins perdus se sont croisés ce jour-là. Incroyablement. L'onde de choc qui avait traversé Paul si fort était venue mourir au creux des mains de cet inconnu, capable en un regard d'en sentir les effets, les crevasses laissées au passage et qui, avec la sensibilité de celui qui a tout vécu, surtout le pire, lui avait ouvert les portes d'un nouveau monde.
La mère de Loïc, pourtant excellente jardinière, l'avait fait grandir au milieu des mauvaises herbes, des herbes folles, de celles qui persistent, qui asphyxient, qui s'accrochent ; son père avait donné des coups de bêche déstabilisants ; son frère fut l'arbre qui cache le soleil et puis Elisa l'engrais qui fait grandir l'arbre.
Je peux vous dire que vivre perpétuellement dans le conflit est épuisant. Je suis arrivé à l'âge adulte fatigué et déjà vidé de cette substantifique moelle qui est censée faire de nous des êtres plus solides.
Capacité d'abstraction bien salutaire et qui fait passer des larmes au rire en quelques secondes. Mais ne nous trompons pas ! L'acidité des larmes a cet étrange pouvoir de cristalliser les souvenirs.
S'insinuer ainsi en nous lui conférait ce pouvoir qu'elle n'aurait pu avoir nulle part ailleurs et sur personne d'autre.
Je n'étais qu'un enfant, mais le poison commença ce jour-là à se diffuser un peu, sournoisement.
Tu me dois la vie et c'est bien suffisant pour mériter ton respect.