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Citation de LeslecturesdeLily


La neige tombait sur les quais de la Seine à Paris et deux jeunes femmes la regardaient tomber. Il y avait deux petits ronds de buée sur la vitre froide du dernier étage d'un hôtel particulier de l'île Saint-Louis. L'un d'eux dessinait la bouche en coeur de Pétronille, vingt-cinq ans ; ses beaux cheveux châtains faisaient des boucles sur ses épaules et elle tirait sur son cardigan que ses rondeurs ourlaient. L'autre petit rond palpitait à chaque soupir de sa grande sœur Dorothée ; elle avait trente et un ans, était blonde et mince et ses yeux brillaient d'un bleu déterminé. Dorothée n'était pas du genre à tirer sur ses cardigans, sauf depuis six mois qu'un petit était venu faire grossir son ventre.
- Il y en a vraiment qui ont de la chance, soupira Dorothée. Regarde-moi cette vue...
Notre-Dame, le Panthéon, la tour Montparnasse, la tour Eiffel, tout Paris était là, comme sur les cartes postales qu'on vendait sur les quais. Pétronille soupira aussi. Apercevoir la tour Eiffel faisait toujours naître en elle un frisson. Non, pas tout à fait un frisson, plutôt le souffle minuscule d'un battement d'ailes, d'un envol soudain, et la nostalgie d'un instant à peine posé : c'est le bonheur des petits tiens. Si elle avait pu les mettre en bouteille, Pétronille en aurait fait collection. Elle les aurait gardés dans son petit chez-elle, là-bas, dans l'une de ces milliers de veines sombres qui rayaient la capitale, là où les fenêtres ne voyaient que d'autres fenêtres. Car ici, dans ce grand appartement, au milieu des toits gris qui petit à petit se poivraient de blanc, ici d'où l'on pouvait, si l'on prenait la peine de regarder, voir battre le coeur de Paris, ici, hélas, elle était chez quelqu'un d'autre.
- Bon, fit Pétronille, il faut qu'on y aille. S'il revient et qu'il nous trouve ici, on va être très mal.
Elle ramassa les derniers restes de l'emballage qui traînaient sur le parquet ancien et les fourra dans un grand sac-poubelle noir. Elle admira une dernière fois ce qu'elle avait fini de déballer : un petit tableau, d'à peine trente centimètres de haut. Un village tranquille en hiver, quelques arbres nus, des silhouettes que le froid pressait et, en bas à gauche, presque timide, la signature penchée de l'artiste : Alfred Sisley.
- Tu m'avais dit qu'il restait toujours au bureau jusqu'à pas d'heure, renchérit Dorothée, toujours collée à sa vitre.
- Oui, mais ça serait pas de chance s'il avait choisi aujourd'hui pour rentrer plus tôt. Allez viens.
Pétronille alla poser son sac-poubelle près de l'entrée, à côté de la console où se trouvait du courrier qui semblait important.
Dorothée déambulait à travers l'appartement, inspectant le mobilier d'exception.
- C'est quand même pas juste. Il a tout, ce mec. Il est riche, il est brillant, il a un appart de rêve, il a bon goût... Autant de veine, ça fait pas trop pour un seul homme ?
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