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Citation de Cielvariable


Le chauffeur de taxi laisse le moteur en marche et court à l’arrière
du véhicule pour sortir ma valise. La pluie tombe avec une telle
intensité que je replie un bras devant mon visage pour voir où je
mets les pieds. Dans une flaque d’eau. L’homme me tend mon sac
que je passe en bandoulière sur mon épaule. En trente secondes,
je me retrouve seule sur le trottoir, complètement trempée, et deux
valises devant moi. Une grosse et une moyenne. Elles contiennent
tout ce que je possède. Ou presque. J’ai dû y mettre tout mon poids
pour arriver à les fermer. La fermeture éclair a résisté au voyage.
Ça m’étonne.
Après quinze heures de train, j’ai encore la désagréable impres-
sion de sentir le sol tanguer sous mes semelles tellement je me suis
fait secouer. D’une main hésitante, je sors de ma poche le papier
que je gardais précieusement. La pluie fait couler l’encre, mais
je déchiffre « 5e étage » à côté de l’adresse. Les immeubles autour
de moi sont tous identiques. Je lève la tête au moment où un gars
saisit mes valises. Une dans chaque main.
— Reste pas sous la pluie, tu vas attraper une pneumonie !
Il se réfugie sur le perron recouvert d’un toit en tôle. Je cours
pour le rejoindre, mais je ne suis pas assez rapide pour échapper
aux éclaboussures d’un autobus.
8CATHERINE BOURGAULT
— Hé ! Connard !
Le gars qui tient mes valises m’observe avec un sourire amusé.
— Tu vas où ? me demande-t-il.
Le papier entre mes mains est si mouillé qu’il se déchire sous mes
doigts.
— Cinquième étage…
Il hausse un sourcil, l’air de ne pas comprendre. Il a de beaux
traits. Des cheveux plus roux que bruns, une peau claire sur un
visage étroit. Il finit par hocher la tête.
— D’accord, suis-moi.
L’escalier n’est pas très large. Mon nouvel ami me papote des
trucs, mais je ne l’écoute pas vraiment. Je dois même fermer les
yeux quelques fois tellement je suis étourdie. Le train, ce n’est pas
pour moi ! Je capte tout de même qu’il s’appelle Andy et qu’il habite
dans l’un des immeubles sur la rue. Il n’est même pas essoufflé de
transporter mes bagages alors que j’arrive en nage loin derrière lui
sur le palier. J’étais déjà toute détrempée à cause de la pluie. Je ne
rêve plus que d’une bonne douche chaude.
Andy me pointe une porte. La musique est si forte de l’autre côté
que je sens les vibrations du rythme jusque dans ma poitrine. Je
remercie Andy qui dévale déjà l’escalier en criant par-dessus son
épaule :
— C’est rien !
Je frappe avec une certaine appréhension. La musique n’a rien
pour me rassurer. J’avais envie d’une petite soirée tranquille pour
m’installer et réfléchir à un plan de match pour les prochains jours.
J’ai loué une chambre sur Internet. Il n’y en avait plus beaucoup à ce
temps-ci de l’année. Mon père m’a proposé de choisir où je voulais
9L’appartde ma nouvelle vie
aller. Je n’avais pas de destination précise en tête. J’ai demandé
à Google de me trouver l’endroit parfait. Mon seul critère : sortir
de l’état de l’Arizona. J’ai laissé le curseur de ma souris décider de
mon destin. San Francisco. Pourquoi pas ! Je devrai me faire au
brouillard qui enveloppe la ville une partie de la journée durant
l’été jusqu’à l’automne et à la pluie en hiver. Un détail.
J’ai choisi une compagnie, parmi les dizaines qui louent des
chambres à San Francisco, seulement parce que leur site Internet
était plus beau que celui des autres. La mise en page était attrayante
avec des couleurs vives. Plusieurs immeubles autour d’une piscine
creusée. La démarche était simple à faire en ligne. J’espère que ce
n’est pas une arnaque et que la chambre est aussi grande que sur
les photos. Je n’avais juste pas réalisé que je devrais cohabiter avec
des étrangers. Quoique m’entourer de nouveaux visages est une
bonne chose dans les circonstances. Il y a trois chambres par appar-
tement avec cuisine, salle de bain et salon communs. La musique
forte me laisse croire que je suis tombée sur des filles qui font la fête
à toute heure du jour. Malgré ma fatigue et ma tête épouvantable,
je souris à l’idée. Ça me fera du bien de vivre comme les jeunes
adultes de mon âge pour une fois. Je suis prête à tout. Tant qu’elles
ne bouffent pas des mets indiens épicés dont l’odeur s’imprègne
dans l’environnement durant des jours…
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