Aux yeux des chrétiens syriens, on ne mentionnera jamais assez que leurs ancêtres étaient présents en Inde dès les premiers siècles de l'ère chrétienne. Ils sont très attachés à la revendication de la filiation du disciple du Christ Thomas, c'est à dire à une tradition apostolique distincte de celle de Pierre. Cette conviction inscrit leur communauté dans une tradition d'autant plus prestigieuse qu'elle est ancienne; surtout elle ne fait pas dépendre l'introduction du christianisme en Inde de l'Occident.
Car il faut le souligner d'entrée, on ne peut pas parler en général des chrétiens indiens : il n'y a pas d'avantage de "culture chrétienne " en Inde qu'il n'y a de "culture indienne". Les chrétiens présentent une grande diversité culturelle à l'image des autres Indiens, et celle-ci est le témoignage probant de l'influence des contextes sociaux, linguistiques et religieux sur leurs communautés.
En théorie, la conversion implique de reconnaître la différence entre deux religions, elle suppose des frontières bien établies entre elles; dans les faits, pourtant, elle met en lumière des zones de chevauchements. Contrairement aux idées que l'on se fait parfois, la conversion n'implique pas nécessairement un abandon brutal et total de son mode de vie antérieur. En Inde en tout cas, la conversion au christianisme a rarement entraîné un changement complet d'identité culturelle. Elle a naturellement donné lieu à l'absorption d'éléments nouveaux et au rejet de conceptions et d'attitudes préchrétiennes, mais nombres de ces dernières ont perduré. Si les frontières étaient si faciles à fixer, aurait-on vu les missionnaires chrétiens oeuvrant en Inde tenir certains éléments de la culture local tour à tour pour religieusement neutres et pour religieusement actifs?Les aurait-on vus se diviser en deux camps, selon qu'ils toléraient ou interdisaient des usages indigènes?