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Citation de AnnadeSandre


Un jour, j'ai su tout de suite que nous n'étions plus fâchées. J'arrive et je vois la chatte assise sur le clavier, avec la patte elle faisait pif sur les touches. Et elle regardait, ce qui est tout à fait étonnant, car les chats n'ont pas le même cortex que nous, ils ne peuvent faire la relation entre un geste et la conséquence du geste, ils n'ont pas le sens de la déduction.
[...]
Une autre fois, j'écrivais alors Les seigneurs du Ponant, un mal dingue à le faire, une histoire tragique, l'impression de mourir, je suis d'ailleurs devenue spasmophile, la chatte a senti à quel point c'était dur pour moi. J'arrivais, je voyais ma machine, j'avais un mouvement de répulsion tant le livre était noir, tous ces personnages à faire bouger ! Pourtant une tragédie peut toujours être illuminée par un espoir et, là, il n'y en avait pas. Mon éditeur me pressait, ne comprenait pas. Ma chatte a compris, elle. Incroyable. Elle venait et se tenait droite comme un gardien de temple, elle était là pour me dire de ne pas écrire, elle envoyait valser les feuilles. J'avais les nerfs à vif. Je ne pouvais plus voir ces feuilles. Pouchnine devinait tout. Elle s'est mise à les foutre en boules, à les lacérer, à les jeter à terre. J'ai bien essayé de la raisonner, je lui ai dit : c'est mon éditeur, il faut bien que je gagne ma vie, la tienne est celle d'une princesse entretenue... Jusqu'au bout de l'écriture, elle ne m'a pas fichu la paix.
En 1982, elle avait quatorze ans, j'étais en plein dans une histoire passionnelle très douloureuse qui ne pouvait déboucher que sur quelque chose de tragique. Pouchnine est tombée malade. Du système digestif. Impossible de la garder au lit, il a fallu la reléguer dans la salle de bains. (…) Moi, j'étais morte de fatigue et je sentais qu'elle m'avertissait, elle me disait qu'elle n'en avait plus pour longtemps, que c'étaient nos dernières conversations.
[…]
C'est alors qu'il y a eu la nuit de l'accident où un fils à papa m'a écrasée avec sa belle voiture. Coma. Cinq mois d'hôpital. Tout cassé. Ce qu'était devenue Pouchnine, on me le cachait. Elle était morte, quelques jours après mon coma. Alors qu'on venait de me transporter dans une troisième clinique, avec mes vingt-sept kilos de plâtre, j'ai demandé à ma grand-mère : comment va ma chatte ?
[…]
Il y a plein de chats dans mes livres... Dans le dernier, Une pâle beauté, des persans et des chats de gouttières. Le livre où ils sont le plus nombreux. Dans Une passion, il y en a trois. Il n'y a plus de chat ici. Mais il va y en avoir un. Un jour. Je le sais. Je le sens. En rêve. Et même physiquement. On m'en propose régulièrement. Je suis en manque. En manque de la présence du chat. À moins qu'un chat de gouttières ne me tombe dans les bras, je choisirai peut-être un sacré de Birmanie. Parce qu'il y a derrière toute une légende et que j'en connais un sublime qui va avoir des petits. Mais je ne suis pas raciste avec les chats. Je les aime tous. À cause de leur beauté et de tout ce qui va avec. Il y a, dans tout chat, un plus de beauté, de dignité, d'élégance. Une majesté extraordinaire. (Muriel Cerf)
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