Dans les campagnes, en quelques décennies,
l’exploitation a remplacé la ferme, la tôle a remplacé
la pierre et la tuile, le métal a remplacé le bois, la
combinaison uniforme a remplacé l’habit de travail,
la montre a supplanté la patience, le calcul a évincé le
sens des relations domesticatoires.
Sur un temps plus long, en moins de deux siècles,
les productions animales ont phagocyté l’élevage.
Elles ont réduit nos relations complexes aux animaux
d’élevage à des rapports d’intérêt fondés sur une
violence légitimée par la raison économique ; les
productions animales, c’est-à-dire, historiquement,
la science, l’industrie, la banque, mais aussi
l’enseignement agricole, les techniciens, les
vétérinaires, et les producteurs eux-mêmes. Sans le
pouvoir des uns à imposer leur modèle industriel de
développement et l’assentiment des autres à subir
et à exercer la violence intrinsèque à ce modèle,
nos relations aux animaux d’élevage n’auraient
pu devenir, à ce point, aussi absurdes, obscènes,
dépourvues de tout sens partagé et de ce fait, si elles
restaient en l’état, condamnées à disparaître.