Il lui dit que les forêts, comme la mer ou les déserts, étaient là aussi pour rendre aux hommes leur part d'évasion et de refuge, pour laisser leur pensée se déployer.
Hélène raconta qu'elle avait lu qu'autrefois, dans les grandes forêts sibériennes, des individus se perdaient volontairement pour échapper à leur funeste sort. Peut-être se regroupaient-ils pour former des communautés vivant dans l'immensité et la profondeur, ignorées par leurs contemporains ?
Car un jour viendra où l'idée que, pour se nourrir, les hommes du passé élevaient et massacraient des êtres vivants et exposaient complaisamment leur chair en lambeaux dans des vitrines inspirera sans doute la même répulsion qu'aux voyageurs du XVI ème siècle les repas cannibales des sauvages américains, océaniens ou africains.
Claude Lévi-Strass in "Nous sommes tous des cannibales"
Nous, hommes et femmes du Grand Bois, éleveuses et éleveurs d'ici et d'ailleurs, carnassières et carnassiers, carnivores, ogres et ogresses, pauvres mortels omnivores, êtres pleins de remords et de sensualité, individus sans conscience, chasseurs de plaisirs interdits, jouisseurs cruels, chantres de l'hémoglobine...