Don Quichotte se tourna vers son valet et aperçut Tartarin.
— Qui est l’homme qui t’accompagne, Sancho ?
— C’est un Français que j’ai trouvé sur la route. Il n’a pas l’air très futé au premier abord mais il n’est pas méchant. Regardez toutes les friandises qu’il a apportées, dit le valet en ouvrant son bissac.
— Quel est votre nom ? demanda Don Quichotte à l’explorateur.
— Tartarin de Tarascon, honoré de faire votre connaissance, ô valeureux Don Quichotte. J’ai lu toutes vos aventures. Jamais je n’aurais cru avoir l’occasion de vous rencontrer en chair et en os.
— J’espère que vous avez eu en main l’histoire de mes véritables aventures, car il circule toutes sortes de versions apocryphes, toutes plus invraisemblables les unes que les autres.
— Rassurez-vous, celles que j’ai lues sont on ne peut plus véridiques. Je les ai dévorées du début à la fin.
— Ah oui ? fit Don Quichotte, dont l’intérêt s’était éveillé. Alors vous pourrez certainement répondre aux interrogations qui n’ont de cesse de me torturer. Combien de temps vais-je devoir patienter avant de retrouver ma Dulcinée du Toboso ? Va-t-elle daigner m’accorder ses faveurs ?
Tartarin, à qui la fin du Don Quichotte était revenue en mémoire, se mordit la lèvre. Il se promit à l’avenir de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.
Parole de menteur, pages 120-121