"L'Orient dévoilé. Sur les traces de Myriam Harry" est une biographie de 318 pages, écrite par Cécile Chombard-Gaudin. Elle est richement illustrée, avec un cahier photographique en couleur au milieu du livre. J'ai reçu ce livre dans le cadre de la Masse Critique organisée par Babelio et je remercie les Editions Turquoise pour l'envoi du livre et m'excuse pour le retard avec lequel je publie cette chronique (presque 9 jours).
Je commence la lecture tout de suite. Seulement, entretemps, arrive le confinement à cause de la Covid-19. S'ensuit une période de quinze jours de stress, avec l'adaptation nécessaire pour le télétravail, mais aussi la peur pour les proches dès que l'un d'eux est malade. Cette semaine j'ai pu enfin m'organiser, faire baisser le stress, et j'ai enfin réussi à finir cette biographie.
Myriam Harry, est née Sonia Shapira en 1869, à Jérusalem, en pleine épidémie de choléra (je ne peux m'empêcher de faire un rapport avec la situation que nous vivons aujourd'hui). Son père était un libraire-antiquaire, qui vivait en vendant des textes anciens et des manuscrits. Un moment donné, il vendit un parchemin en pensant qu'il s'agissait du plus vieux manuscrit connu du Deutéronome. Très vite, sur fond d'antisémitisme, un doute survient et le document est considéré comme faux. Guillaume Moses Shapira, de honte, se suicide. Pourtant, en s'appuyant sur des découvertes plus récentes, il se pourrait que le document, aujourd'hui disparu, ne fût pas si faux que ce qui a été affirmé à l'époque et appartiendrait en fait à l'ensemble des manuscrits dits de la Mer Morte. La jeune Myriam se retrouve en Allemagne, puis en France, et commence alors une carrière littéraire très riche. En 1905, elle obtiendra le prix Vie Heureuse (qui deviendra prix Femina) pour son roman La Conquête de Jérusalem (1904). Beaucoup de ses romans ont paru comme feuilleton dans les journaux, comme c'était la mode à la fin du XIXe siècle.
Myriam Harry devient l'amante de Georges Vanor, puis rencontre le sculpteur Emile Perrault, qui deviendra son mari. Elle commence également une amitié avec l'écrivain Huysmans. Elle sera aussi proche de Pierre Loti, ou de Jules Lemaître, ou encore de Lucie Delarue-Mardrus. Elle voyagera en Asie, puis retournera en Orient missionnée par la toute récente Société des Nations, peu après la Première Guerre mondiale, et le couple prendre sous son aile le jeune Faouaz, qui deviendra François Perrault-Harry. Nous croisons des figures totalement méconnue comme la féministe égyptienne Hoda Charaoui, mais aussi des personnalités bien plus connue, comme le roi Fayçal.
Myriam Harry s'installe à Neuilly-sur-Seine ou elle mourra en 1958. Elle obtient la Légion d'Honneur en 1934, avant de perdre son époux en 1938, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Dans ces années, la famille Perrault-Harry voyage à Madagascar. Ensuite, arrive la guerre. Faouaz est affecté au service de la cartographie militaire de Bordeaux. Elle-même est inscrite sur la liste Otto, qui frappe d'interdit 842 auteurs, 2 000 titres et 138 éditeurs. Malgré la guerre, elle reçoit le prix de l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre en 1943. En 1945, elle perd son amie Lucie Delarue-Mardus, malgré le soutient que celle-ci a reçu grâce à Faouaz.
Le dernier chapitre, le IX, commence par poser une question : pourquoi le fils de Myriam a-t-il détruit les archives de sa mère et s'est-il acharné à interdire la publication de sa biographie, ainsi que la réédition de ses livres ? La réponse n'est pas évidente et je vous laisse le découvrir. Sur Faouaz, j'ai moi-même retrouvé sa trace dans les fichiers de l'Insee. Il est dit Hatem-Perrault, naturalisé en 1963, ce qui n'est pas totalement concordant avec les éléments énoncés dans la biographie. Est-ce la même personne ? Il semble bien. Ce Faouaz est dit né à Khabab (Syrie) en 1911 et est décédé à Neuilly en 2009 à 98 ans.
De fait, s'il n'y a plus d'archives personnelles de Myriam Harry, sur quelle documentation s'appuie l'autrice ? Elle s'appuie beaucoup sur les ouvrages de Myriam Harry afin d'y extraire des éléments de sa vie. Elle souligne souvent que Myriam avait une certaine propension à l'exagération. Elle s'appuie aussi sur des éléments de correspondance, sur des vérifications in situ, sur la presse de l'époque ou encore sur des documents des archives nationales, du ministère des affaires étrangères ou de la BNF. La documentation est donc riche et variée, complétée par de nombreuses illustrations, qui rendent la lecture assez vivante, car les lieux ou les personnes évoquées ne disent la plupart du temps rien au non-spécialiste (comme moi).
Certaines thématiques reviennent évidemment souvent dans cette vie, comme la religion (luthérienne dans le cas de Myriam), la littérature bien sûr, la condition des femmes dans les sociétés européennes, mais aussi dans les autres régions du monde (Myriam s'intéressait beaucoup à cette question), ou encore l'art. Nous découvrons la bonne société allemande, la société française, mais aussi les sociétés coloniales et orientales.
J'ai donc vraiment aimé cette biographie, peut-être pas tant pour le personnage de Myriam Harry en tant que tel, mais surtout pour la plongée dans un monde qui m'était presque totalement inconnue (ou très superficiellement). Dans mon résumé rapide de la vie Myriam Harry j'oublie sans doute des détails, car le livre fourmille d'informations et de noms et il est assez difficile de tout retenir. Dès lors, je vous invite bien sûr à vous y plonger, d'autant plus que les biographies de femmes de lettres du XXe siècle sont rares.
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