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Citation de MegGomar


La jeune et jolie
veuve vit à Beacon Hill, le quartier résidentiel de Boston, fait des travaux
de couture à la façon française, et pose même en une de Life l’année
suivante – une commande.
Avec aisance, Lucie est ainsi passée du magazine nazi Signal au
magazine américain Life. Elle s’y connaît en agitprop, alors poser façon
New Look en Miss Dior n’est pas trop difficile. Lucie est en terrain connu.
Elle a, en bonne propagandiste, étudié la concurrence. Le magazine nazi
Signal qu’elle a fait sien, né en 1940, a été directement inspiré du confrère
américain Life, créé quatre ans plus tôt. On y repère le même cadrage de
photos en pleine page, souvent en couleurs, la même typographie des
légendes en police Futura – Lucie apprécie en connaisseuse la lisibilité des
petites capitales grasses que son oncle Gaston lui a appris à reconnaître – et
les mêmes reportages sensationnels, avec exploits sportifs, goût des cimes,
approche dangereuse et même mort en direct, faits par des inconnus sur des
inconnus qui deviennent « héros d’un jour ». L’esprit pionnier du magazine
américain est le sien, à une idéologie près. Ces Américains sont tellement
persuadés d’avoir raison. Laissons-les le croire.
En attendant, le succès de l’hebdomadaire Life est tel qu’il cherche à
attirer les lecteurs de son compatriote et concurrent Vogue, en faisant de
temps à autre une fashion cover, une couverture de mode. La photo de
mode en studio est un art tout neuf. Et la mode est française. Lucie, fine,
piquante, si française, est le mannequin idéal. Son corps, dont elle prend
grand soin, parle pour elle. Elle posera en couverture.
Vogue, le concurrent de Life, superficiel et snob, n’est pas dérangeant.
Lucie est certes caméléon, mais elle a aussi sa fierté : non seulement elle
fréquente peu ces mondains, mais les annonceurs de leurs publicités sont de
plus en plus juifs. Life la met en une, Vogue aura ses photos en pages
intérieures.
Cependant, Lucie se rend compte que faire la couverture de Life est un
jeu extraordinairement dangereux. Avec les armes de la propagande, les
seules qu’elle maîtrise, Lucie s’est mise toute seule dans la gueule du loup.
En Europe, elle était derrière ses plans de travail, mais là, elle est exposée,
d’autant que Life a fait des reportages saisissants sur la libération des
camps. Dommage que cette Margaret Bourke-White ait utilisé aussi peu à
propos son talent photographique à Bergen-Belsen. Le magazine a aussi
régulièrement rendu compte du procès de Nuremberg et décrit avec une
précision glaçante les exécutions des condamnés. En octobre 1946, Lucie,
stupéfaite, découvre les clichés de nazis morts.
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