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Critiques de Cécile Fargue Schouler (4)
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Le souvenir de personne

Un récit plein de justesse et sans pathos, en hommage à un jeune garçon disparu bien trop tôt et qui fait parti de la longue liste des morts de la rue. Grâce à Cécile Fargue, ce corps enterré anonymement, retrouve une dignité, une âme, une histoire, un nom. Il s’appelait Sébastien. Il vendait son corps pour quelques dizaines de francs. C’était les années 1990. Cécile y était aussi. Elle avait 13 ans et elle a connu ce jeune adolescent à la dérive qui malgré la prostitution, la drogue et la rue avait réussi à garder sa grâce et sa délicatesse.
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Le souvenir de personne

Parfois, il est bon de ne rien dire tant un texte se suffit à lui-même.

Lorsque j'ai lu « le Souvenir de personne » j'ai tout de suite ressenti ce besoin d'être discret, pudique, tant on est au cœur d'une histoire secrète... celle de deux adolescents... dont le destin sera tragique pour l'un d'eux.



Je garde en mémoire, tout ce passage où Sébastien tentera de se désintoxiquer... dans cette cabane prêtée... au bord d'un monde qui se réveille chaque jour... et qui n'est pas forcément le notre. « Le Souvenir de personne » c'est une tentative de faire revivre quelque chose, quelqu'un... mais c'est comme visiter un camp de la mort : on voit les décors, les paysages... ce qui reste... mais qu'en est-il vraiment des êtres humains qui ont vécu là ?



En un « Voyage au bout de la nuit »... le livre refermé, on garde le silence... c'est ce qu'il convient le mieux au souvenir de Sébastien... car le silence est profond, vaste et sans limite...



Il faut tout de même dire que j'ai été heureux de lire ce livre, d'être un "témoin" de ce qu'a été la vie de Sébastien.
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Le souvenir de personne

Il est des moments, dans la vie de lec­teur et d’écrivain (je subo­dore pour celui-là, ne me sen­tant pas écri­vain) où le doute s’insinue plus ou moins for­te­ment : et si tout ceci, la lit­té­ra­ture, la musique, les arts, toutes ces choses imma­té­rielles que l’on côtoie, col­lec­tionne, ché­rit, si tout ceci ne ser­vait à rien ? La lit­té­ra­ture, en défi­ni­tive, ne répond pas à un des besoins essen­tiels à la vie (ce qui peut s’avérer aussi com­plè­te­ment faux quand on songe à la place de la lit­té­ra­ture dans les des­tins d’écorchés vifs de Woolf, de Tsve­taïeva, d’Artaud, etc.). Quand son pays est déchiré par la guerre, quand on crève la faim et qu’on se demande com­ment finir la fin du mois, quand le seul objec­tif de la jour­née est de trou­ver de quoi nour­rir ses enfants, de ne pas mou­rir de froid, de trou­ver une place pour dor­mir… ce n’est pas d’abord à la lit­té­ra­ture que l’on songe. La lit­té­ra­ture donc : ne sert à rien. Vanité des vani­tés. Et puis on lit un livre qui sou­dain nous rap­pelle que la lit­té­ra­ture ne sert à rien et que c’est cette abso­lue vacuité qui la rend indis­pen­sable. Vitale. Parce que, te racon­tant, elle me raconte, elle nous dit, à nous, ce à quoi on appar­tient, parce qu’elle est essen­tiel­le­ment liée à notre moi onto­lo­gique dans la recon­nais­sance de l’autre et à la for­ma­tion d’une com­mu­nauté — fût-elle inavouable, comme le sou­li­gnait Blanchot.



"L’écriture et la lit­té­ra­ture selon Blan­chot, sont insé­pa­rables de l’être en com­mun et de la com­mu­ni­ca­tion. L’écriture n’est pas pour Blan­chot, un objet for­mel et fermé, ce n’est pas un objet esthé­tique ni autis­tique, mais l’écriture c’est le rap­port d’adresse par lequel non seule­ment un moi s’adresse à un toi, mais par lequel il y a seule­ment un moi et un toi, un un et un autre et par lequel seule­ment il peut y avoir une soli­tude et un dehors de la soli­tude, une expres­sion, ou pour reprendre le mot de Bataille une extase.



L’écrivain et le lec­teur se font l’un l’autre, et se fai­sant l’un l’autre, ils se déplacent l’un l’autre et ils se déplacent l’un par rap­port à l’autre. Ils n’ont pas quelque chose à se com­mu­ni­quer, ils n’ont pas un mes­sage à se trans­mettre, ce qu’ils par­tagent, l’écrivain et le lec­teur, c’est à dire aussi l’un et l’autre en géné­ral dans la com­mu­nauté, ce qu’ils par­tagent c’est la puis­sance et la pas­sion de se com­mu­ni­quer et à ceux qui attendent de l’écriture en ce sens une signi­fi­ca­tion déter­mi­nable et communicable."



Jean-Luc Nancy, La ques­tion de la com­mu­nauté

(dans « Un siècle d’écrivains » (FR3): Mau­rice Blan­chot)

Source : Remue.net



La lit­té­ra­ture comme puis­sance et pas­sion de se com­mu­ni­quer. Dés l’avant-propos du Sou­ve­nir de per­sonne le sen­ti­ment de cette puis­sance, de cette urgence (non dans le sens de la rela­tion au temps — il lui a fallu quinze ans pour atteindre ce livre — mais dans celui d’une pres­sion exer­cée qui demande à se libé­rer) est tout à fait pal­pable : « j’ai pro­mis qu’un jour, le jour où je serai grande, je racon­te­rai. […] Je suis venue vous par­ler. » Intran­si­tif. Écrire, tel que M.D..



Cécile Fargues écrit pour redon­ner « un poids, une place » à celui qui, dans la mémoire col­lec­tive, s’est dis­sout, s’est perdu dans la liste inter­mi­nable de ces ano­nymes qui sont nos ren­contres quo­ti­diennes. Je trouve là, quelque part, est-ce la conco­mi­tance des titres ? la même démarche que dans W, ou le sou­ve­nir d’enfance de Georges Perec de recons­ti­tuer, par des che­mins dif­fé­rents, l’essentiel de ce qui nous a, tou­jours déjà, échappé. Plus encore : de ce que l’on a négligé, ignoré. Refoulé. La démarche consiste alors à retrou­ver, à remettre à sa juste « place » la pièce absente et néan­moins essen­tielle du puzzle que forme la com­mu­nauté dans laquelle nous nous recon­nais­sons. Cette pièce, ce tu, c’est Sébas­tien, un ado­les­cent retrouvé « mort vrai­sem­bla­ble­ment par over­dose » un matin, dans les rue d’Angoulême. Un mort sous X (sous W aurait dit Perec). Une pièce négli­gée, un numéro dans un registre, une affaire clas­sée dans la rubrique des faits divers. Mais qui nous raconte. Nous, l’humain. Par la voix de la narratrice.



"Je n’aime pas le mot de témoi­gnage parce qu’il y a cette idée d’à charge et à décharge, cette idée de trans­for­mer un être en éten­dard. Ce livre en est un. Mais il n’y a pas de héros, il y a beau­coup plus, il y a quelqu’un que vous n’avez jamais vu et à qui vous avez manqué."



La ques­tion du témoi­gnage en ouver­ture du récit est essen­tielle. Et c’est ici que s’opère une diver­gence avec Perec : le rap­port à la fic­tion. Perec, on l’a vu, noie le pois­son, emmêle com­plè­te­ment son récit pri­mor­dial dans une fic­tion alam­bi­quée, ellip­tique, dans un laby­rinthe de portes dont cer­taines n’ont pas de clef. Cécile Fargues de son côté aborde son sujet dans la matière brute de l’autobiographie : l’Avant-propos (adresse au lec­teur) et la L’être ouverte (des­ti­née à Sébas­tien) qui pré­cèdent la par­tie nar­ra­tive inti­tu­lée Frag­ments placent le récit dans une réa­lité fac­tuelle et his­to­rique (avec une petite « hache »). Plus encore, le para­texte entier (il y a éga­le­ment un Épi­logue) est le révé­la­teur d’une cer­taine forme de voca­tion lit­té­raire, un che­min pos­sible — mais non recher­ché — sur la voie de l’écriture et de l’amour.



"Ce matin, en me réveillant, j’ai trouvé sur la table juste à côté de mon lit une liasse de papiers réunis, agra­fés, petit pavé blanc imma­cu­lés. Je l’ai pris. Il m’a fallu le tour­ner et le retour­ner plu­sieurs fois dans ma main, l’ouvrir, lire des mots au hasard, le refer­mer, le poser, le reprendre… pour le recon­naître enfin. Der­rière son air défi­ni­tif, il y avait Toi, moi, les mots que depuis des semaines je t’écris ici, l’amour qui ne s’en va jamais. Ils étaient sou­dain là, tous, dans ma main. C’était bien un livre, un vrai. Un que tu aurais pu tou­cher.. […] Et c’est comme si sou­dain t’était rendu tout ce qui t’avais été pris. Un poids, une place. Enfin." p.117



En y repen­sant, le ton du récit est assez étrange : on pour­rait pen­ser que le récit se déroule avec une sorte de déta­che­ment, de dis­tance, de pudeur. Il y a en effet un déca­lage entre la vio­lence des scènes qui sont insup­por­tables et la sen­sa­tion d’une neu­tra­lité de ton dans lequel l’effroi, la colère auraient refusé de s’installer, défi­ni­ti­ve­ment. Cette dis­tan­cia­tion n’a pas voca­tion d’objectiver le récit, d’en faire une approche cli­nique ou socio­lo­gique — comme il est de mode de res­ti­tuer la sor­di­dité ces der­niers temps – mais plu­tôt d’aborder son objet de la façon la plus digne, la plus res­pec­tueuse, la plus humaine (« ce sen­ti­ment sou­dain du vivant ») de l’être qu’elle aime. Cer­taines scènes sont d’une vio­lence inouïe qui nous assom­me­raient, nous feraient quit­ter le livre, fer­mer les yeux, la conscience… mais qui, sous la plume de Cécile, res­tent lisibles. C’est-à-dire visibles. Ne pas détour­ner le regard du réel est pro­pre­ment un fil conduc­teur du roman. Ne pas détour­ner le regard tout court : de l’amour, de la crasse, de la beauté fra­gile… Ne pas détour­ner le regard « à s’en fendre la rétine ». C’est qu’il en faut du… (je ne sais trou­ver le mot exact : cou­rage, cran… parais­sant trop faibles ; tout comme la nar­ra­trice ne sait trou­ver le son juste : « Ta bouche entrou­verte, pas un cri ne sort de la mienne, tous les sons sont trop petits » p. 44) pour affron­ter du regard l’être aimé, un autre enfant, se faire prendre sale­ment par des bêtes sau­vages : « Et il est là, à pré­sent, une moi­tié de sexe à la main qui force tes reins. Tu essaies de te rele­ver, poings fer­més, mais sur ta nuque sa main pèse. Les étoiles, elles, s’indiffèrent, pour cin­quante balles, il te baise. » p.45).



Il y a de l’élégie (éty­mo­lo­gi­que­ment chant de mort) dans ce Paul et Vir­gi­nie au pays de la came, de la crasse et de la pros­ti­tu­tion. De l’élégie inverse pour reprendre un concept d’Emmanuel Hocquard.



Car là est une des forces de ce texte (qui a, d’un point de vue stric­te­ment lit­té­raire et selon le propre aveu de l’auteur, des fai­blesses) : cette his­toire, pour­tant bru­tale et crue ne tombe jamais dans le piège du pathé­tique, ne rumine pas mora­le­ment ou socia­le­ment cette his­toire, ne pousse jamais à expri­mer de la pitié par ce regard biaisé — et rétros­pec­tif — qui vou­drait atti­rer toutes les com­pas­sions du monde, en faire une sorte de mytho­lo­gie esthé­tique post­mo­derne et urbaine de la déchéance1. La nar­ra­trice n’invoque pas une quel­conque rédemp­tion car il n’y a pas de faute, ne sert pas une quel­conque morale car ce n’est pas une fable… Il y a seule­ment des des­tins qui se croisent, se décroisent. Il y a seule­ment quelqu’un a recréé de toutes pièces, quelqu’un à aimer, à tous les temps.



« Je suis notre des­cen­dance » dit-elle à Sébas­tien. Dépo­si­taire d’une l’histoire qui a échappé à la mémoire col­lec­tive, elle est le fruit qui, au pré­sent, conti­nue de semer ses graines.



Vous l’aurez com­pris, Le sou­ve­nir de per­sonne est un livre d’amour, un livre bien vivant, un livre qui chante la vie, la vie telle qu’elle est et telle qu’elle ne doit pas nous échap­per, fût-ce en notre souvenir.
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Instants tannes - textes & autres curiosités

Dans ses 13 petites nouvelles tout en délicatesse et en subtilité, Cécile Fargue Schouler parvient à nous faire ressentir les abîmes du vide qu’ils se logent sous la peau de la semoule au lait ou entre des mocassins de cuir. Quelques secondes d’éternité, un bonheur insoupçonné parfois réussissent contre toute attente à se loger au creux des solitudes de ses personnages mais l’univers de Cécile reste sombre.



Quelques mots sur mes nouvelles préférées :



La suite sur le blog :

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